Ah que ce film est sincère ! Ah que ce film parle de quelque chose de vrai et de poignant ! Je comprends l'argument, je comprends le ressenti... Mais pour moi ça ne marche pas. Alors je sais ce que vous allez dire : « mais ce mec qu'il est compliqué ! Il a un blocage ce mec, c'est pas possible ! » Peut-être... Mais voilà, je ne vais pas au cinéma pour jauger, noter, évaluer le mérite... Moi je vais au cinéma pour l'émotion, pour le ressenti, pour l'aventure humaine. Alors certes, face à l'argument-massue de l'histoire vraie et du sujet tournant autour de la maladie d'un enfant, il peut sembler difficile de nier la dimension humaine et la propension du film à susciter de l'émotion. Pourtant, tel que je l'ai ressenti, il m'a paru évident que « cinéma du vrai » ne rime pas forcément avec « vrai cinéma ». OK, Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm s'efforcent de toucher au plus près du vrai, de ce qu'il s'est passé, de ce qui leur est arrivé, ce comment ils l'ont vécu… Mais au final, malgré les efforts à sortir du pathos et de la réalisation dardennienne, cette "Guerre déclarée" reste enfermée dans un logique de simple empathie basique. Ils souffrent, alors on souffre pour eux, mais jamais le film n'arrive à transcender cette situation brute. Alors qu'un film comme le "Scaphandre et le papillon" parvenait justement à transformer un drame rude en aventure humaine universelle qui offrait aux spectateurs que nous étions l'opportunité de questionner notre humanité et la façon dont elle pouvait s'affranchir des contraintes, cette "Guerre est déclarée" se contente seulement du partage de la douleur, et c'est tout. Pour privilégier le vrai dans les faits, on s'éloigne du vrai universel dans le ressenti. Pourtant les moments sont multiples où Donzelli et Elkaïm cherchent à rompre cette logique par un ton rigolard et de multiples effets de mise en scène, mais en fin de compte ils ne changent rien à la démarche globale du film. Chaque tentative d'évitement du pathos se révèle à chaque fois n'être qu'une simple parenthèse qui n'influe pas sur le cours des évènements et sur le ressenti des gens. En fin de compte, malgré les artifices, le pathos revient tout le temps, bien lourd le clou étant enfoncé par une conclusion qui assume totalement ce fatalisme blasant... « Il est marrant lui ! » vous dites-vous sûrement. Ces deux gentils jeunes gens n'allaient pas non plus travestir la réalité de leur vécu, pourrait-on ajouter. Bah justement. Je pose la question. Pourquoi pas ? Pourquoi rester sur ce bilan pessimiste où on se contente de présenter l'événement comme une fatalité face à laquelle l'humain ne peut se construire, contrairement à ce qu’à su faire des films sortis cette année comme "Rabbit Hole" par exemple ? Peut-être est-ce justement parce que les auteurs s'appuient sur des événements concrets, vécus, qu’ils n’ont pas le recul et la distance nécessaire pour transcender leur œuvre. Alors oui, la démarche est honnête, c'est malheureux ce qu'il leur ait arrivé, mais personnellement je ne vais pas au cinéma pour voir des gens souffrir et rien de plus. Pour avoir de la vraie vie brute, j'ai la vie pour ça. La vie me suffit largement pour prendre conscience de sa préciosité, je n'ai pas besoin qu'on me la mette sur écran pour ça. Désolé, mais aussi honnête soit-il, ce cinéma ne m'apporte rien. Si vous non plus vous ne vous retrouvez donc pas dans ce type de démarche, alors ne culpabilisez pas, car il n'y a aucune raison pour que cette "Guerre est déclarée" soit considérée comme un « incontournable », quoi que vous diront les maîtres à penser du septième art.

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le 15 oct. 2017

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