La vie, ma vie
5.8
La vie, ma vie

Film de Mike White (2017)

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Un statut qui mérite quelques "j'aime"

Depuis "Greenberg", Ben Stiller ne semble plus vouloir quitter les rôles de doux rêveur aux portes de la dépression. De "La Vie Rêvée de Walter Mitty" à "While We're Young", l'acteur a donné un second souffle à sa filmographie en s'épanouissant derrière ce personnage de quinquagénaire en pleine période de doute. Les mauvaises langues pourront dire qu'il se répète mais force est de constater que Ben Stiller a trouvé justement certains de ses meilleurs rôles lors de ces dernières années passées à peaufiner cette même sensibilité de jeu bien loin de ses plus grands hits comiques.


Et c'est encore le cas avec "Brad's Status" où le comédien va à nouveau exceller dans le rôle de Brad, un père de famille middle-class en pleine crise existentielle à la vue de la réussite financière impressionnante de ses anciens camarades d'université qu'il passe son temps à suivre sur les réseaux sociaux. L'homme a conscience qu'il n'est pas à plaindre avec sa vie "normale" et heureuse avec sa femme (Jenna Fisher) et son fils (Austin Abrams), il a juste le sentiment d'avoir loupé le coche à un moment, de ne jamais avoir eu l'occasion d'exploiter un potentiel de départ pourtant égal à ses anciens amis qui lui aurait permis de pouvoir simplement prétendre à plus. D'ailleurs, hormis une discussion nocturne avec son épouse en début de film, il n'exprime que rarement et directement son mal-être, sa peur parfaitement égoïste -et donc humaine- d'être sans cesse rabaissé nous sera rapportée par l'intermédiaire de sa voix-off et de son imaginaire caricatural souvent mis en scène en mode purement comique.


En fait, la finalité du discours de "Brad's status" (ouvrir les yeux et profiter du bonheur le plus simple qui nous entoure) n'est pas plus la originale qu'il soit mais le cheminement qui nous conduit à cette prise de conscience bénéficie d'une vraie précision d'écriture trouvant cette équilibre précaire entre le ridicule de l'égocentrisme du personnage principal (il en vient même à jalouser une possible réussite de son fils) et la justesse avec laquelle il grandit vers une nouvelle forme de maturité en retrouvant des sensations de sa jeunesse au travers de ce périple avec son fils pour visiter des universités.
À quelques exceptions très minimes, le film reste toujours sur ce fil fragile et nous retrace le tournant de vie de son héros auquel Ben Stiller insuffle toute sa sensibilité, cette nouvelle capacité à jouer à la perfection avec ce ton doux-amer, à l'image de cette séquence où Brad décide stupidement de rejoindre seul une amie de son fils dans un bar juste pour regoûter à une forme de jeunesse idéaliste qu'il brise lui-même en évoquant pour une fois le mal considéré comme superficiel qui l'habite. La gêne occasionnée par la situation se fond dans l'intelligence de sa perception à se rendre compte qu'il perd à ce moment l'admiration initiée chez son interlocutrice en abordant ses tourments personnels. C'est là un des exemples parmi tant d'autres de la finesse des émotions savamment distillées dans le long-métrage de Mike White, habitué de ce registre (avec notamment la série "Enlightened") où même les personnages secondaires se révèlent plus fouillés qu'à l'accoutumée : par exemple, le fils est le symbole d'une certaine maturité absente de chez son père ou les anciens amis de faculté, d'abord considérés comme des caricatures, sont en fait tous défaillants, même celui incarné par Michael Sheen lors du point culminant du film, pendant un dîner, d'abord décrit comme exécrable et qui semble le confirmer, paraît tout de même trahir quelque de chose de plus ambiguë à la fin de sa conversation avec Brad (c'est peut-être d'ailleurs là que le film pêche principalement, arrêtant toujours et uniquement les conséquences des interactions sur son personnage principal, par respect de sa vision égocentrique sans doute mais c'est tout de même dommage tant on sent du potentiel dans son entourage).


"Brad's Status" est donc la quête initiatique touchante et pertinente d'un homme en pleine crise, inconscient de son propre bonheur et emprisonné dans une vision de rapports personnels qu'il s'est lui-même façonné. Ben Stiller impressionne une nouvelle fois en juxtaposant avec brio la fragilité et le coté autocentré parfois risible de ce personnage complexe mais profondément et avant tout humain.
S'il continue sur ce registre dans des films si finement écrits, on pourrait même encore en réclamer de nombreux pour les dix prochaines années...

RedArrow
7
Écrit par

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le 3 avr. 2018

Critique lue 1.3K fois

8 j'aime

RedArrow

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