Labyrinthe
6.4
Labyrinthe

Film de Jim Henson (1986)

Il aura fallu la disparition de mister Bowie pour me décider à voir ce film qu'on m'a résumé comme suit "C'est David Bowie qui se trémousse chez Dark Crystal". Un peu court mais assez bien résumé, je dois dire.


Le film s'ouvre sur une musique typée eighties, un fond noir où défilent les noms de générique et une chouette en image de synthèse certainement très réaliste en 86 mais qui à moi m'a évoqué une animation de stagiaire première année en école de 3D. Au moins, le film annonce la couleur : des effets spéciaux "en troisdey" plutôt que d'utiliser des trucages mieux maîtrisés, qui destinent donc le métrage à mal vieillir. Et il a mal vieilli. Horriblement mal, même.


Le film est sorti 3 ans après "le retour du jedi". Et pour pousser plus loin la comparaison, les vieux star wars n'ont jamais pris le risque de poser des scènes clés devant un gros fond vert, précisément pour éviter l'effet boomerang des années. "Labyrinthe", lui, nous offre un florilèges d'incrustations baveuses et mal foutues, tout d'abord lors de la première apparition du labyrinthe éponyme - perdant de fait tout effet saisissant- et surtout pendant une interminable scène chantée et dansées de créatures autour d'une Jennifer Conelly qu'on sent un poil paumée sur son fond vert. Mal utilisés en terme de narration et de durée, ces effets spéciaux sont aujourd'hui risibles et rendent ces scènes limite embarrassantes (pour ne pas dire insupportables, dans le cas du numéro chanté).


Pourtant, à ces approximations numériques viennent s'ajouter les marionnettes qui accusent largement mieux le poids des années. Certes, nous sommes sur la bestiole de film pour enfants, qui conservent dans leur aspect quelque chose de comique et/ou de mignon mais elles demeurent remarquablement expressives dans leur visages et leurs mouvements. Et c'est le premier très gros point fort du film, tant le travail sur le bestiaire est abouti. De même pour les décors - ceux qui ne sont pas incrustés, c'est bien, vous suivez - foisonnant de petits détails et posant une ambiance par moment très onirique, entre cauchemar et merveilleux (on peut regretter l'usage des paillettes, qui donnent un côté un peu trop "toc" à l'ensemble mais cela reste convaincant). Ces quelques scènes, d'exploration le plus souvent, m'ont réellement plu, distillant la fascination et la peur du personnage de Sarah, perdu dans ce conte de fées pas très féerique : les murs vagissent des menaces, les pierres bougent pour brouiller les pistes, les fées mordent et les portes vous agressent à la hache, si bien qu'il devient difficile de dire qui est ami et qui est allié. Un usage plutôt malin de la perspective transforme également les décors par endroits, quoi que je trouve dommage qu'elle n'ait pas été davantage employée. On ne peut pas réellement parler de débauches d'astuces visuelles pour plonger le spectateur dans l'illusion et tout ça reste plutôt gentil - on est dans un film pour enfant - mais reste que ça fonctionne plutôt bien.


Du moins ça fonctionne quand le film ferme sa gueule.


Et j'en arrive à la partie musicale et - puisqu'ils sont indissociables - le méchant. Pour faire court : oui David Bowie est bon dans ce rôle. Oui, même attifé avec un moule burne, des paillettes et des talons hauts, il est classe, ambigu, vénéneux. De lui je n'en attendais pas moins. Seulement, si j'apprécie l'homme en tant qu'acteur, disons-le tout net, comme chanteur il ne me fait ni chaud ni froid. Et c'est un problème puisque le film est régulièrement interrompu - oui, oui interrompu - pour qu'il nous gratifie d'un petit show (lui ou quelques muppets). Certes, il se donne à fond mais pour peu qu'on ne soit pas fan, on s'ennuie. La scène du bal, supposée être l'instant clé qui rapproche Sarah et Jareth/Bowie est un sommet du kitsch et la musique n'aide pas : nous sommes dans les années 80, jusqu'au bout de la pellicule. On aime ou pas. Et en ce qui me concerne, je n'aime pas, je trouve ça ringard et de mauvais goût, même avec le petit sourire narquois de Bowie. Il y a un problème de partage d'affiche, en fait, tant il y a une dichotomie entre le côté "conte" et le côté "show", comme si le film jouait sur deux tableaux qui au final ne se rejoignent jamais. Sauf dans la dernière partie, avec une très belle séquence dans un labyrinthe déconstruit où s'affrontent Jareth et Sarah. Le tout malheureusement descendu par une fin consensuelle de "mais-c'est-un-film-pour-enfants" qui m'a définitivement convaincu d'une chose.


Si j'avais vu "Labyrinthe" étant môme je l'aurais adoré et la nostalgie aidant, je l'aurais certainement plus apprécié.


Seulement je le découvre maintenant, les années 80 ne sont pas ma génération - et ne sont artistiquement pas du tout de mon goût - et je ne suis pas particulièrement fan de Bowie, qui vampirise beaucoup trop le film en étant à la fois un de ses principaux atouts et son fossoyeur. Reste de très belles scènes - entre les fonds verts qui piquent les yeux - un bestiaire incroyable et un Jareth tout en charisme. Un conte devenu un peu trop poussiéreux, qui ne peut vous plaire que si vous aimez la fantasy à la dark crystal/que vous aimez Bowie/que vous aimez les années 80. Si vous ne remplissez aucun de ces trois critères et que "Labyrinthe" ne figure pas dans votre sachet de madeleine, peu de chance que le film vous séduise.

SubaruKondo
5
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le 14 janv. 2016

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SubaruKondo

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