Francis Girod, voilà un nom que j'ai peu fréquenté. Il faut bien dire que les quelques films que j'ai vus de lui ne sont guère brillants et on peut même ajouter clairement décevants. Décevants, parce qu'ils ont une histoire emballante sur le papier, ayant tout pour donner quelque chose d'excellent, et des distributions de gros malade.


Les films que j'ai vus de lui qui me permettent d'émettre un tel propos ? Le Trio infernal, La Banquière et Le Bon Plaisir. Pour ces derniers, jetez un œil à l'histoire racontée, jetez ce même œil sur la liste des comédiens, cela vous donnera tout de suite envie de vous jeter dessus. Mais une heure et demie-deux heures plus tard, c'est la douche froide. On a le talent pour raconter des histoires et les filmer ou on ne l'a pas. Girod fait partie incontestablement de cette deuxième catégorie.


Il est incapable de transcender par lui-même, par une petite idée de mise en scène qui fait la différence, la plus petite séquence. Il est incapable de lui insuffler la moindre émotion quelle qu'elle soit. La tristesse, la sensualité, la haine... non, rien de tout cela...


Donc si Lacenaire parvient à être la moins mauvaise des œuvres que j'ai vues de lui, c'est parce que son sujet, à savoir évidemment le fameux criminel dandy que la postérité va retenir grâce à ses Mémoires rédigés sur le chemin de la guillotine, se prête très bien à l'absence d'émotion. C'est un être froid, cynique et d'un humour très sarcastique, donc pas du tout porté sur la moindre sensibilité.


Je ne vais pas préciser que le sujet est emballant et que c'est le cas aussi pour la distribution.


Daniel Auteuil est absolument convaincant et redoutable de charisme dans la peau de cet assassin peu conventionnel. Sans lui, l'ensemble perdrait considérablement de son intérêt. Il m'a bluffé. Je ne pensais pas le voir aussi bon dans la peau de cette figure du crime. Et il trouve un partenaire à sa hauteur avec un Jean Poiret, tout aussi étonnant et à l'aise en chef de la sûreté aussi respectueux qu'efficace.


Bon, allez les défauts, parce qu'il y en a.


C'est bien d'être allé chercher les Jacques Weber, les François Périer, les Maïwenn Le Besco, les Samuel Labarthe (qui a une capacité incroyable à traverser deux décennies là-dedans sans prendre la moindre ride ou le moindre cheveu blanc ; visiblement, il n'avait pas de maquilleur à disposition !) et les Rufus (lui, carrément dans de la figuration !), mais il aurait fallu leur donner un plus gros os à ronger. Parce que là, je ne vois absolument pas à quoi ils servent. Leurs personnages qui promettaient beaucoup sont complètement négligés.


Et les deux "quatrièmes murs" qui sortent de nulle part, vers le milieu du film ? Je veux bien que Lacenaire fasse son Ferris Bueller, mais cela aurait été plus justifié de le faire tout au long de l'intrigue (ce qui n'aurait pas donné quelque chose de bien fameux, je pense, mais il y aurait eu un parti-pris narratif assumé !), d'autant plus que les informations mises en exergue par ce procédé ne sont pas particulièrement essentielles et auraient pu être devinées par le spectateur lui-même sans problème. Dans le pire des cas, une voix-off du protagoniste ou une discussion avec un autre personnage du temps présent (alors que Lacenaire est emprisonné et condamné à mort !) aurait fait l'affaire ou, du moins, aurait été d'une ostentation moins gênante.


Ah oui, et celui qui interprète Lacenaire gamin joue comme une patate. Les scènes autour de l'enfance sont ruinées en partie pour cette raison.


Autrement, la narration fractionnée, qui peut passer d'une époque à une autre, d'un personnage conteur à un autre, permettant de donner une autre dimension au futur ou déjà guillotiné, car hors de la vision qu'il veut donner de lui-même dans ses derniers écrits, est une bonne idée. Il faut le reconnaître. Mais, malheureusement, le problème évoqué précédemment avec le fait que certains comédiens n'ont presque rien à défendre, faute de rôle un peu plus consistant, gâche partiellement ce bon point, parce qu'on ne voit pas ou trop peu en quoi les personnes qu'ils incarnent ont été importantes pour celui qui utilisait avec autant de facilité aussi bien le couteau que la plume.


Sujet qui donne envie, interprètes qui donnent envie, mais... Certes, c'est moins mauvais, selon moi, que les trois autres films que j'ai visionnés du cinéaste, mais cela reste du Girod quand même... malheureusement...

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le 25 nov. 2020

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Plume231

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