Lady Snowblood m'avait durablement marqué la rétine lorsque je l'avais découvert. Ce revisionnage est l'occasion de sortir du souvenir idéalisé et d'en revenir à ce qu'est vraiment le film : une série B efficace et imparfaite, frappée de fulgurances qui en expliquent le statut culte.


Le personnage de la Blanche-Neige du massacre (dixit le jeu de mot du titre original) est évidemment un des points forts du film : parfaite illustration de l'enfant fonction qui n'a pour but existentiel que de satisfaire l'exigence maternelle, Yuki se confond avec l'héritage de la vengeance, fardeau auquel elle ne peut échapper. Fruit d'un viol collectif, elle doit retourner la violence dont elle est issue contre ses géniteurs afin d'apaiser l'âme de parents qu'elle n'a jamais connu, mais elle se confronte également aux angoisses de néantisation lorsqu'elle aura accompli sa quête. Comment alors redonner un sens autre à sa vie et peut-elle éviter d'enclencher un cycle sans fin de vengeance ?


Dans le rôle phare, Meiko Kaji est parfaite, mettant au service de Yuki son célèbre regard transperçant, tout en grâce discrète qui vient contraster avec le graphisme extrême des combats : les geysers de sang rouge vif barbouillent personnages comme paysage (même la mer déchainée ne parvient à s'en laver), dans un excès typique du genre qui s'accentue ici encore plus de par le jeu d'opposition constante des couleurs rouge et blanc. L'amateur d'hémoglobine (moi, moi !) y trouve indéniablement son compte, d'autant que tout ceci se déroule souvent dans de très beaux décors (l'incontournable scène sous la neige).


La réalisation et le montage offrent également quelques beaux accès de modernité : le découpage de l'histoire en chapitres (coucou Tarantino), les séquences de narration en voix off avec des photos fixes qui finissent par embrayer sur l'action (difficile de ne pas penser au style Fukasaku dans Combat sans code d'honneur), les illustrations bédés, les dézooms lointains... Et puis cette chanson titre Urami Bushi que Kill Bill a fait passer à la postérité. Lady Snowblood connait bien quelques imperfections (la construction parfois un peu trop éparse, un léger abus de gimmicks sérialesques...) et se montre moins trash que le manga corsé de Kamimura/Koike (est-ce toutefois un mal ?) mais il se rattrape vite par de grands moments marquants, tels les confrontations meurtrières des conjurés, l'entrainement à la dure de la jeune Yuki ou ce grand final magnifique.


Il est juste, comme l'écrit Léonard Haddad, de reconnaitre que "le titre, l'actrice et le personnage sont sans doute plus grands que les films eux-mêmes". Mais quel film, tout de même !


A noter que la restauration HD du BR de HK Video laisse un sentiment de perfectibilité, surtout au regard des splendides photos d'exploitation qui illustrent le livret.

Créée

le 17 mai 2020

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