Il est temps de réhabiliter ce film et son réalisateur ! Réalisé par John McTiernan, Last Action Hero synthétise non seulement les codes du cinéma d’action Américain des années 80/90, mais aussi l’apport de McTiernan en terme de mise en scène à ce cinéma de genre. Bien avant Last Action Hero, John McTiernan avait déjà déjoué et redéfini les canons du cinéma d’action Américain avec Predator et Die Hard.

Predator est sorti en 1987, sous l’air du cinéma d’action Reaganien. Un cinéma qui représentait une Amérique grande et confiante, qui voulait que ses héros soient forts, virils, au corps bodybuildé, privilégiant l’action à la discussion et au patriotisme exacerbé, dont Sylvester Stallone et Arnold Schwarzenneger comptaient parmi les plus grands représentants. De prime abord, Predator représente tous les clichés du genre, gros plans sur les bras musclés des combattants, des commandos d’élite armés jusqu’aux dents, prêt à faire parler la poudre, capable de renverser, seul, une armée entière. Mais très vite, ils vont se faire démolir un à un par un être supérieur, venu d’ailleurs, un Predator, prenant en chasse les chasseurs et inversant la tendance. Le personnage d’Arnold Schwarzenneger «Dutch» se retrouvera très vite confronté à lui même, en mauvaise posture face au Predator, avec un arsenal militaire inutile, plongé dans une jungle de plus en plus préhistorique, il va retourner à l’état sauvage et utiliser des armes primitives. Ce n’est pas seulement Dutch qui est mis à mal dans le film mais aussi le héros type du cinéma d’action de l’époque et c’est là que le film opère son tour de force, en cassant son personnage principal et par extension les codes pour mieux les redéfinir et se démarquer ainsi avec intelligence de la concurrence.

John McTiernan récidivera avec Die Hard (Piège de cristal) en 1988. Cette fois, Il n’est plus du tout question de héros militaire, taillé comme un dieu Grec, mais d’un simple flic de New York, John McClane, personnage anti-héroique à souhait, père de famille, à deux doigts du divorce, parti rejoindre sa femme à Los Angeles sur son lieu de travail pour fêter Noël en famille. Le personnage de Bruce Willis se retrouvera au mauvais moment, au mauvais endroit, prit au dépourvu par une bande de terroriste, il essuiera tout au long du film plus de coups qu’il n’en donnera. La mise en scène du film témoignera à nouveau de la maestria de McTiernan. Il a imposé dans le cinéma Hollywoodien une grammaire technique, un sens de la composition, en terme de cadrage, découpage et mouvement de caméra. La caméra devient un narrateur au regard réfléchi, elle se déplace dans l’espace, en profondeur, le tout avec sens, élégance et clarté. Dans Die Hard with a Vengeance (Une Journée en enfer), John McTiernan opte pour une mise en scène à contre courant du premier Die Hard, le premier film se passait à Los Angeles, avec un décor de carte postale et des mouvements de caméra limpide. Dans le troisième Die Hard nous quittons Los Angeles pour New York et son ambiance plus Urbaine, rugueuse avec un cadrage «pris sur le vif», caméra à l’épaule façon documentaire, le regard hésitant, instable et sensé refléter les protagonistes complètement dépassés par les événements. Ce type de mise en scène est devenu un standard éculé du cinéma d’action moderne.

Les films de John McTiernan sont aussi très axés sur toute une thématique liée au langage et à la communication. Par exemple dans Predator, le film montre un combat entre deux antagonistes dont seule parle les armes. Dans Die Hard, John McClane est confronté à Hans Gruber, dont tous les opposes aussi bien physiquement que psychologiquement, ils communiqueront par message et cadavre interposés, jusqu’à ce qu’ils se retrouvent face à face. Dans Last Action Hero, il y a tout un jeu de miroir entre le monde fictif dépeint dans le cinéma d’action (Die Hard et son Los Angeles rejoignent le monde de Jack Slater) et le monde réel (La partie où Jack et Danny se retrouvent dans New York préfigure Die Hard 3 et son encrage dans la réalité) qui se confrontent.

Last Action Hero était l’occasion pour McTiernan de mettre le doigt sur le dysfonctionnement du système hollywoodien, qui se conforte à réutiliser la même recette jusqu’à l’épuisement, Die Hard 2 en est d’ailleurs un très bon exemple. Alors que le 1er Die Hard renouvelait le cinéma d’action, Die Hard 2 bien que sympathique se contente d’être un copier coller du 1er film avec, plus d’actions, plus d’explosions, plus de morts, plus de plus. Le genre Slasher connaîtra le même problème avec des films à succès qui ont eu le droit à des suites insipides à n’en plus finir.

Dans Last Action Hero, Danny Madigan, est un jeune garçon qui sèche souvent l’école pour aller au cinéma. Fan de la série de films d’action «Jack Slater», dont le héros est incarné par Arnold Schwarzenegger, le projectionniste du cinéma, ami de Danny, lui propose de venir voir Jack Slater IV en avant-première. À cette occasion, il lui remet un ticket magique qui lui a été donné par le magicien Houdini. Grâce au ticket, Danny se retrouve dans le film, mêlé à une intrigue policière au côté de son héros favoris Jack Slater.

Danny est le prolongement des réactions critique du spectateur à l’égard de ce qu’il voit, durant tout le long du film, il essaiera de convaincre Jack qu’il est un personnage fictif de film, en déjouant les codes. Par exemple, la restriction d’âge PG-13 interdit à Jack Slater de dire certaines insultes ou de montrer certaines violences. Danny est aussi comme le publique conditionné par l’image, Il refuse de voir la réalité, et préfère fantasmer un monde idéalisé par le cinéma ou la télévision. Quand il se retrouve dans le film Jack Slater IV, il est confronté à un monde ultra codé où chaque personne correspond à un cliché, où Los Angeles ressemble à un décor paradisiaque, ensoleillée et superficielle, tout droit sorti de notre monde consumériste sur fond de Hard Rock. Quand Danny et Jack se retrouvent dans le monde réel, à la première de Jack Slater IV, à New York, ils sont confrontés à un monde grisonnant et pluvieux, ou règne l’insécurité (Benedict tue un garagiste dans l’indifférence totale alors que dans un film d’action, la police aurait rappliquée dans la minute qui suit). on peut aussi y voir les excès d’Hollywood, Arnold Schwarzenegger joue son propre rôle, faisant la promotion du film de la même façon que les autres invités, guidés par la cupidité. Outre le jeu du contraste où le monde fictif du cinéma affronte la réalité, il y a aussi plusieurs scènes se faisant échos et illustrant le conditionnement de Danny face à ce qu’il voit, par exemple lorsque Danny regarde Hamlet en classe, il critique un personnage incapable de tuer quelqu’un dans le dos, par la suite il est confronté à un cambrioleur, chez lui, qui lui donne une chance de le poignarder dans le dos, mais Danny réalise qu’il est aussi incapable d’agir. Son voyage lui fera prendre conscience de l’importance de ses actes.

Enfin, Last Action Hero, c’est aussi une tonne de clins d’œils et de références, non pas pour verser dans le fan service racoleur, mais pour appuyer le propos du film. Il y a les caméos de Sharonne Stone en Catherine Tramell et Robert Patrick en T-1000 sortant du commissariat, Sylvester Stallone dans le rôle du T-800 à la place d’Arnold Schwarzenneger, L’Arme Fatale, Amadeus, etc... C’est aussi l’occasion pour Arnold Schwarzenneger de montrer qu’il sait faire preuve d’auto dérision et qu’il est capable d’être touchant, Last Action Hero est une mise en abyme, un film purement méta-filmique, et au-delà de son ton satirique c’est aussi un vibrant hommage aux films d’actions et même au cinéma en général, c’est tous ça à la fois et bien plus encore.

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le 3 mai 2015

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