« Le Royaume de Rothgar » ou « Les Mangeurs de morts » ? Si le titre du roman de Michael Crichton introduit déjà de la confusion sur son identité sur le sol français, comment est-il possible de mesurer la portée réelle de son adaptation cinématographique ? On pense pourtant à John McTiernan pour ses aventures épiques et le savoir à la barre d’une période où les meilleurs guerriers nordiques font les bons vins, il y avait de quoi s’enthousiasmer. On ressent à l’écran un conflit entre le scénariste et le réalisateur, qui défendent tous deux leur version, au détriment d’une consistance dans les transitions et une narration inégale. Mais ce film, reconnu comme « malade », mérite pourtant plus d’encouragements, connaissant son potentiel.


Outre ces divergences notables, le récit parvient à garder un squelette suffisamment rigide pour cueillir la curiosité du spectateur, tout comme ce 13ème guerrier qui aura l’honneur d’être son ambassadeur. Ahmed Ibn Fahdlan (Antonio Banderas) évolue ainsi entre deux mondes et deux réalités. Cette démarche permet ainsi de pallier le fossé culturel qui a la lourde tâche de contextualiser tout un univers, comme l’apprivoisement d’un langage commun. La direction aura beau être linéaire, mais pour le souffle épique, McTiernan saura nous mettre d’accord derrière une esthétique léchée et abreuvée de lumière naturelle, tout comme le décor qui en dit long sur la qualité de reconstitution. De ce côté-là, le voyage est garanti De plus, les relations entre Ahmed et les guerriers de Buliwyf (Vladimir Kulich) sont réussi, justement grâce à un choc de culture qui n’efface rien de primordiaux dans les valeurs des deux camps. Au contraire, cette amitié alimente magnifiquement l’autre dualité qui préoccupe l’ensemble du récit, à savoir la vie et la mort.


L’ascension au Valhalla est un prestige que ceux qui ne lâchent jamais leurs armes peuvent prétendre. Les affrontements ne se privent pas de nous démontrer toute la puissance des coups, qui rappellent les sacrifices individuels. De nombreux Empires chutent, d’autres se relèvent et la particularité de cette communauté est celle de la diversité. Cette différence appuie une complémentarité sans surprise, mais qui justifie parfaitement les pensées rationnelles du spectateur face à de déluge de fantasy. L’ambiguïté semble avoir gagné du terrain, car ce qui distingue chaque membre du groupe, c’est son affiliation avec sa quête de l’éternité ou plus simplement du mythe. Cette approche spirituelle manque parfois de subtilités, mais c’est avec ces quelques exemples que l’on rendra palpable tout le potentiel et la richesse d’une œuvre audacieuse.


Ainsi, malgré les cicatrices visibles du projet, « Le 13ème Guerrier » ne sombre pas totalement dans la trahison, mais dans l’oubli. Outre le montage d’origine et autres versions non officielles, ce film tel qu’il nous est présenté, souffre inévitablement de la « peur », à l’image du héros arabe, avant qu’il ne fasse un avec sa détermination et ses croyances les plus primitives. Malgré « Predator » et « Piège de Cristal », MacTiernan ne devrait pas autant rougir, mais il s’agit d’une contrepartie qui aura tout de même permis de donner naissance à une chimère fascinante, qui brise par la même occasion la routine et les conventions d’une industrie Hollywoodienne encore divisée. La seule vérité à retenir est dans ce film, au récit amputé mais à la bravoure intacte et admirable.

Cinememories
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le 9 juin 2020

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