Enthousiasme et désillusion de l'Allemagne nazie

Tiré du best-seller d'Irwin Shaw, le film se veut comme le livre, une vaste fresque de la Seconde guerre mondiale, mais en 1958, le film de guerre fait moins recette à Hollywood, mis à part le triomphe remporté par le Pont de la rivière Kwaï ; pour retrouver le succès, il faudra joindre à l'attrait de l'épopée guerrière, celui du film à grand spectacle (c'est la recette du film de David Lean), on verra ainsi fleurir des grosses productions comme les Canons de Navarone, la Grande évasion ou encore l'Express du colonel Von Ryan...
Mais le Bal des maudits ne joue pas cette carte du film de guerre-spectacle, son ambition est de décrire la destinée de 3 soldats (2 Américains et un jeune allemand) pris dans ce brasier infernal qu'est la guerre. L'apogée de l'hitlérisme, l'occupation de la France, l'Afrika Korps, la libération des camps de concentration et la déroute de l'armée allemande servant de toile de fond.
Dans le roman de Shaw, le personnage de Christian Diestl incarné par Marlon Brando, était un nazi fanatique sans humanité, on peut le comprendre de la part d'un romancier juif comme Shaw, mais sous l'impulsion de Brando, il devint un personnage plus nuancé, plus humain, assailli par le doute et qui découvre effaré les atrocités commises par les nazis. Ce postulat reste une des bonnes surprises du film où Dmytryk a respecté à peu près l'intrigue, en jetant ses 3 personnages principaux dans la démesure d'un conflit mondial où nul n'est épargné. Mais sa mise en scène s'égare par endroits dans des aspects un peu redondants qui alourdissent un propos déjà osé ; en effet, la critique de l'époque s'indigna que le personnage le plus intéressant soit un nazi. C'est pourquoi la fin est tellement moche pour certains, mais juste pour d'autres. J'avais lu quelque part que Brando, refusant d'entretenir des haines stériles, avait pesé sur le studio en faisant réécrire ses dialogues afin de montrer que la guerre était mauvaise aussi bien pour les Alliés que pour les Allemands, et Dmytryk n'a sans doute pas pu faire tout ce qu'il voulait, sa réalisation étant parfois inégale.
Voulant brosser un panorama trop vaste, Dmytryk a laissé de nombreuses zones d'ombre, alors que le personnage de Diestl, incarnation d'une Allemagne enthousiaste puis déçue, méritait un portrait plus fouillé sur un film entier. Malgré ces défauts, le grand atout de ce film est son interprétation qui réunit des acteurs exceptionnels ; les 3 stars composent des personnages traumatisés à la typologie intéressante : Brando (d'un blond très aryen) symbolise la folie du IIIème Reich, avec ses rêves de conquête et son idéologie destructrice, Dean Martin incarne au contraire l'Américain sans ambition devenu malgré lui un héros, tandis que Montgomery Clift (qui retrouvait un rôle assez similaire à celui qu'il tenait dans Tant qu'il y aura des hommes) est le juif perpétuellement et partout victime.
Autour de ces 3 personnages, gravitent vainqueurs et vaincus du conflit, femmes, militaires et civils, grâce à un reste de casting de haut niveau où l'on reconnait Barbara Rush, Hope Lange, Maximilian Schell ou Lee Van Cleef... Rien que pour certains éléments, le Bal des maudits, même s'il peut se montrer légèrement ennuyeux par moments, reste un film de qualité qui délivre des réflexions pertinentes.

Ugly

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10

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