Avant d'aller mener sa carrière de faiseur à Hollywood, Wolfgang Petersen signait tout de même le meilleur film de sous-marin de l'histoire du cinéma et donc le meilleur de sa carrière. Avec "Das Boot", fresque de 3h30 (en version director's cut) adaptée d'un roman de Lothar-Günther Buchheim, Petersen nous plonge dans le quotidien de l'équipage d'un sous-marin allemand durant la seconde guerre mondiale. Nous nous retrouvons donc en même temps que les personnages dans l'espace exigu d'un engin de guerre métallique, froid et étroit. Durant presque tout le film, la caméra restera dans cet espace pour nous faire partager les joies, les peurs, les tensions et les crises de panique d'un équipage constamment mis à l'épreuve. Manœuvres de guerre silencieuses, plongée qui fait craquer la coque de l'engin, machinerie qui menace de lâcher, attention permanente, lassitude qui s'installe... Avec sa durée, "Das Boot" nous installe parfaitement avec ses personnages que nous apprenons à connaître petit à petit alors que l'enfer de la vie en sous-marin se propage pour mieux miner leur moral et leur abri, à la fois si redoutable et si fragile. Long sans jamais être ennuyeux, d'un réalisme saisissant, le film nous offre une galerie de personnages complexes et évite tous les pièges du genre, se passant de moralisme et des allemands nazis. Ici, il n'y a que de simples soldats confrontés à la cruauté d'une guerre qui les dépasse et dont ils ne voient pas grand chose. Filmant ses acteurs d'une pâleur inquiétante, Petersen accomplit l'exploit de nous passionner de bout en bout et livre un exercice de mise en scène total lorsqu'il saisit parfaitement la tension des combats qui se jouent à l'écoute du sonar et à la chance. Avec ses travellings captant le bouillonnement intérieur du sous-marin et ses cadres mettant en exergue toute la tension confinée dans cet espace si petit, Petersen inscrit définitivement son film au rayon des plus grands et livre une œuvre forte, implacable et bouleversante.