Bertrand Blier a toujours voulu repousser les limites du bon sens et de l'ordre établi à travers chaque nouveau film, s'attaquant aussi bien aux héritiers de la révolution soixante-huitarde ( Les Valseuses ) qu'à la grande bourgeoisie ( Trop belle pour Toi ) avec le même humour mordant parsemé de pointes de tendresse et de poésie lyrique. Il a filmé tous les tabous, souvent sous de magnifiques coutures : la pédophilie avec Beau-Père et Préparez vos mouchoirs, l'homosexualité avec Tenue de Soirée ou encore la prostitution avec le plus récent Combien tu m'aimes ?... et même la Mort avec l'excellent Buffet Froid, grand sujet incontournable qu'il reprend plus de trente ans plus tard avec Le Bruit des Glaçons.
Si Buffet Froid montrait - à renfort d'humour très, très noir - l'angoisse constante entourant le fameux sujet l'avant-dernier film de Bertrand Blier l'aborde sous un jour davantage désabusé, en présentant son protagoniste littéralement visité par son propre cancer dans son imprenable demeure. Récit lapidaire d'un écrivain alcoolique en proie à une panne d'inspiration chronique et uniquement accompagné de sa bonne Le Bruit des Glaçons donne un rôle intriguant à Jean Dujardin, dont le cancer se trouve personnifié par un Dupontel plus caustique que jamais.
Absurde en diable ledit film de Blier emprunte quelques motifs au chef d'oeuvre Shining de feu Kubrick, usant de mouvements steadycam certes agréables à l'oeil mais finalement très vains dans leur trajectoire... A l'image de son antihéros le film semble naviguer à perte dans les eaux troubles du tarissement créateur, grillant ses quelques bonnes répliques dans un premier quart d'heure plutôt sympatoche mais sapé par une heure d'élégie sentimentale sentant méchamment la redite et le ronronnement. Difficile de croire à l'histoire d'amour unissant Charles Faulque ( Dujardin ) à sa femme de chambre, tant la conduction du récit joue de ses apartés complètement inefficaces à défaut d'être inutiles... Et si Dupontel s'en sort particulièrement bien en cancer acerbe et ricaneur Dujardin se contente de rester honorablement crédible mais sans éclats...
Le lyrisme et les dialogues ressassés à l'usure ( on remarque des répliques entières repiquées au très beau Trop Belle pour Toi ) font de ce Bruit des Glaçons une amère déception, et ce malgré l'audace inhérente au scénario originel. Il est néanmoins clairement net que le cinéma de Bertrand Blier atteint là un point de redondance fortement dommageable, loin des chefs d'oeuvre des temps passés. Moyen donc.