Irrespirable
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le 11 juil. 2017
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Grand succès critique, sans aucun doute mérité, pour ce The Nile Hilton Incident (nous préférons le titre original), qui nous offre une plongée palpitante parmi les arcanes du pouvoir égyptien (pas si éloigné d'autres gouvernements arabes) dans un polar haletant, aux lieux particulièrement bien choisis, servi par une remarquable bande-son et des acteurs de choix. Sans oublier les résonances politiques expliquant les causes de l'événement historique, mêlant ainsi la destinée d'un élément de la police à celle de la polis.
S'il fallait distinguer ce qui nous a le plus fasciné dans ce polar, il faudrait tout d'abord citer les lieux de tournage (rappelons que le film a été tourné au Maroc et non en Égypte en raison d'un retrait d'autorisation de la part du gouvernement égyptien). Outre les plus attendus commissariat arabe nimbé d'une fumée bleuâtre et traversé d'un brouhaha constant, les rues grouillantes d'une faune urbaine et sauvage étouffant sous une pesante et poussiéreuse rumeur ou encore les trottoirs jonchés d'ordures et les routes saturées de voitures, d'autres lieux, véritables trouvailles, comme le centre commercial où se réfugie le photographe invisible pour se camer, le désert éclairé par des bidons où brûle la flamme du dernier espoir de l'accusé et surtout le désert complètement vide où est abandonné le témoin du meurtre traduisent une recherche esthétique méticuleuse et pertinente du cinéaste qui parvient à recréer une ambiance à la fois vague et confuse, mystérieuse parfois, trouble et entêtante jusqu'à l'épuisement, si ce n'était quelques recoins où la pensée peut s'évader.
C'est parmi ces décors parfaits que se noue une intrigue serrée, nerveuse, paranoïaque, parfois voluptueuse sous le voile d'une chasteté apparente, confuse d'abord mais finalement limpide une fois reliées les différentes pistes presque aussi multiples que le nombre de personnages issus des plus hautes sphères de l’État égyptien et du milieu policier. Le tout adroitement accompagné d'une très bonne bande-son orientale qui vient relever le rythme de l'investigation de l'inarrêtable et moralement incorruptible flic (l'excellent Farès Farès). Celui-ci, à mesure qu'il creuse pour trouver des indices, extrait malgré lui de ce milieu gangrené (et le mot est faible) par la corruption une carotte - sorte d'échantillon sociologique - révélatrice d'une Égypte au bord de l'implosion, lasse des abus de pouvoir d'une autorité despotique et des injustices dont elle est silencieusement victime.
Voilà d'ailleurs la valeur ajoutée de ce polar qui élargit son champ d'action proprement filmique à un panorama politique et historique, la petite histoire (à la base un fait divers ayant réellement existé: le meurtre, en 2008, à Dubaï, de la chanteuse libanaise Suzanne Tamim, retentissante affaire dont les autorités avaient tout fait pour étouffer l'enquête et dans laquelle s’étaient retrouvés impliqués Gamal Moubarak, le fils du raïs, ainsi que plusieurs piliers du gouvernement) rejoignant la grande (la Révolution). Tarik Saleh réussit donc à faire converger son micro-récit vers l'Histoire et révèle ainsi les raisons de ce soulèvement du peuple qui entraînera le renversement du gouvernement et l'emprisonnement de Moubarak. La fin du film confirme l'engagement du cinéaste qui pointe courageusement du doigt les failles d'une société ayant conduit à sa rupture, à une époque où certes le régime a changé mais où de vieux fantômes rôdent encore.
L'un des meilleurs films de l'année. A ne pas manquer.
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Créée
le 17 nov. 2017
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2 j'aime
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