L'intrigue du film ne réside pas dans son enquête policière, somme-toute banale et mille fois éculée ; l'ambition pousse plus loin, au delà d'une simple affaire de vice, dans les méandres d'une Égypte dans ses derniers remparts avant la chute. L'intrigue réside intrinsèquement dans cette révolution qui se joue en trame de fond, la sordide histoire de meurtre venant souligner pourquoi la révolution se fait.
Et le portrait n'est pas tendre ; si on sent l'envie de mener un personnage fort et très caricatural dans sa personnification occidentale, l'anti-héros est un ripoux. La gueule du type nous paraît antipathique pour mieux apprendre à l'aimer quand l'arroseur devient l'arrosé. Noredin porte alors en lui tout un peuple à l'agonie dans l'oppression, alors qu'il représente lui même la main de la dictature par son statut de policier véreux. Mais l'analogie est plus profonde, nichée au cœur de petites scènes, comme pour montrer que la culture de tout un peuple mettra du temps à changer avant de pouvoir totalement se libérer. Car le film garde le goût amer du futur qui se joue, en montrant la révolution de 2011 avec le recul nécessaire pour ne pas se bercer d'illusion quand à l'état de l'Egypte aujourd'hui.
Alors sans fin, le cinéaste suit son personnage, entre dépression, contrainte et l'envie de mener, pour une fois, une enquête à son terme. Malgré ses défauts, on se prend d'affection pour Noredin, pour sa facilité à se laisser séduire, pour sa gaucherie à ouvrir les yeux sur son pays, acculé de tout les côtés il lui faudra choisir son camp.
La femme ne garde pas une image fastueuse, entre la pauvreté synonyme de faiblesse et la beauté synonyme de prostitution ; c'est un monde d'homme qui mène les règles du jeu. Encore une allusion à une Égypte en proie à son éducation.
La parabole du chaos se fait sentir dès le début par une télévision qui ne fonctionne plus vraiment, détournant le regard sur d'autres chaînes, à l'image de son personnage principal. Mais si la révolution, toujours discrète, jamais personnifiée, ne sert que de support, c'est pour mieux terminer le film sur une note d'espoir, mais tout autant teinté des difficultés d'une démocratie à construire. Le Caire Confidentiel vous prend au tripes, plus pour ce qu'il représente que pour son thriller policier. On assiste donc à l'effondrement d'un système tout autant qu'à un renouveau. Et au final on peut se dire que la banalité du scénario tient une place importante pour comprendre la crise de tout un peuple.

LuluCiné
7
Écrit par

Créée

le 17 juil. 2017

Critique lue 331 fois

2 j'aime

2 commentaires

LuluCiné

Écrit par

Critique lue 331 fois

2
2

D'autres avis sur Le Caire confidentiel

Le Caire confidentiel
EricDebarnot
8

Irrespirable

Belle idée que d'emmener les codes si efficaces du polar scandinave voir ailleurs ce qui s'y passe, et en l'occurrence de les confronter au chaos égyptien à la veille de la révolution de 2011 : Tarik...

le 11 juil. 2017

55 j'aime

4

Le Caire confidentiel
pphf
8

L'Egypte demain

2011, Le Caire, Place Tahrir Un plan de très grand ensemble, saisi dans une plongée impressionnante découvre la foule réunie pour une manifestation énorme et hurlant « liberté ». (C’est...

Par

le 17 juil. 2017

43 j'aime

13

Le Caire confidentiel
Vincent-Ruozzi
7

Ô voyageur solitaire

Le Caire est une ville tentaculaire dont la population est estimée à 16 millions. Point névralgique de l’Égypte antique, la ville et sa région possèdent cette aura particulière, chargée d’histoire...

le 17 sept. 2017

32 j'aime

8

Du même critique

Memento
LuluCiné
5

Critique de Memento par LuluCiné

Les adorateurs suprêmes de Nolan ne citent que Memento comme référence. Pour tous les autres n'ayant pas un avis surdosé sur le réalisateur, le film vaut le coup d’œil pour son montage décousu...

le 26 nov. 2014

32 j'aime

4

Hérédité
LuluCiné
5

Critique de Hérédité par LuluCiné

Et voilà qu’on nous refait le coup du renouveau du film d’horreur, et cela à bon escient car c’est pour mieux s’éloigner du produit ultra fabriqué surfant sur la vague du marketing et du jump-scare...

le 18 juin 2018

26 j'aime

2

Knight of Cups
LuluCiné
3

Critique de Knight of Cups par LuluCiné

Mieux vaut savoir à qui on a affaire quand on va voir un film de Terrence Malick, son cinéma n'est pas à la portée de tous mais garde un mysticisme et une palette des sensations qu'on aborde toujours...

le 25 nov. 2015

21 j'aime

2