Le Cercle rouge par Kroakkroqgar
En introduction, le réalisateur Jean-Pierre Melville propose une citation de Buddha, censée guider le reste de l’œuvre. Malheureusement, la phrase en question ne semble pas être la plus sage qu’ait pu prononcer Buddha, et l’interprétation qui en est donné au fil de l’œuvre n’est pas particulièrement intéressante. Concrètement, le fil directeur de l’œuvre se résume à la rencontre et au destin tragique de 3 inconnus.
Pour autant, le début du film laissait entrevoir un raisonnement plus creusé, avec le parallèle établi entre Corey et Vogel. On a même tendance à croire qu’il s’agit du même personnage à quelques années d’intervalles. Dans un sens, leur rencontre est plutôt logique, mais l’entrée en scène tardive de Jansen ne soutient pas le reste du propos. Du coup, le final de l’œuvre est franchement décevant. Le destin évoqué en introduction n’apparait que comme un retournement de situation frustrant pour le spectateur, et le dernier plan nous laisse carrément sur notre faim.
Si le scénario vu dans sa globalité ne fonctionne pas, ‘Le Cercle Rouge’ offre des passages de pur génie. L’évasion de Vogel en premier lieu : on ne connaît pas encore les deux personnages en scène, et on ne sait s’il faut espérer que Vogel échappe au policier, ou si l’on doit craindre pour la vie du commissaire Mattéi. Du coup, la scène profite d’une forte tension, renforcée par l’absence de dialogues dans les 7 premières minutes. C’est d’ailleurs l’autre passage muet du film qui est le plus marquant : le braquage. Pendant 25 minutes, les personnages ne laissent échapper aucun son, et la tension est phénoménale. Il est rare qu’un casse soit porté à l’écran avec autant de réalisme, et c’est brillant. On retiendra encore le passage anxiogène des hallucinations alcoolisées de Jansen.
Le reste de l’intrigue est cohérente et plutôt de bonne facture. En particulier, les recherches du commissaire et ses relations avec les indicateurs sont notamment intéressante. On regrettera seulement que les paroles du directeur de la police (« tout homme est coupable ») ne semblent pas s’appliquer au commissaire Mattéi, ou encore que la vengeance de Rico s’arrête à empêcher Corey de revendre son butin. Par ailleurs, on s’offusquera un peu de la rapidité avec laquelle Jansen vainc sa dépendance à l’alcool.
Les acteurs sont tous très bons : Bourvil étonne et épate par le sérieux de son jeu, tandis qu’Alain Delon incarne un gangster placide et charismatique. Même Yves Montand parvient à se rendre sympathique en quelques scènes efficaces, comme le repérage dans la bijouterie. En ce qui concerne la réalisation, l’image n’est pas forcément jolie, mais la narration est parfaitement claire. Il en va de même pour la bande-originale, composée de morceaux de jazz pas vraiment marquants, mais en accord avec l’époque.
Un casse phénoménal, malgré un concept de base peu convaincant.