Le Château dans le ciel
7.9
Le Château dans le ciel

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1986)

Après avoir bouffé sa dose de vache enragée, Miyazaki connait avec Nausicaä un succès retentissant tant en version papier que dans son adaptation au cinéma. A une époque qui privilégie télévision et OAV, il en profite pour se lancer avec Isao Takahata dans la création d'un studio exclusivement réservés aux longs métrages, les leurs de préférence, ce seront les fameux studios Ghibli, baptisés du nom italien d'un vent saharien.

Le premier projet du tout nouveau studio sortira un an plus tard, en 1986, il s'agit du Château dans le ciel.

La château est une espèce de grosse boule d'arbre Brueghelienne sur fond Hisaishien venue tout droit des Voyages de Gulliver. Dans une espèce d'ambiance steampunk un pauvre gamin mineur et une petite à la pierre mystérieuse sont poursuivis par des pirates et l'armée en vue d'atteindre cet îlot aérien mythique.

Les influences de Grimault sont très présentes, comme souvent dans les premiers Miyazaki, ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, et il commence enfin à trouver le ton des couleurs qui deviendra la marque du studio.

C'est un vrai bonheur de trouver des trognes qu'on reverra un peu partout, et c'est vraiment dans les scènes de calme que Miyazaki donne son meilleur, entre les batailles, aux pauses repas...
Miyazaki maîtrise les machines volantes comme personne, il n'a pas non plus son pareil pour transformer une rude canaille en bougre sympathique, dommage qu'il propose à coté un méchant beaucoup moins subtil qui est le très net défaut du film...

Avec ça tout est déjà en place, c'est du bonheur à la petite cuillère, moins parfait que Totoro, moins mignon que Kiki, moins poétique que Porco Rosso, moins épique que Mononoke, moins délirant que Chihiro, mais ravissant comme c'est pas permis. Et surtout, très loin des défauts pénibles des deux derniers opus.

J'ai du le voir en 1996 celui-là, dix ans après... à l'époque, à part un Porco qui venait péniblement de sortir en salles l'année passée sous doublage Jean Reno, c'était pas facile de se mettre du Ghibli sous la dent... Il faudra attendre Mononoke, et surtout Chihiro et sa reconnaissance internationale (Ours d'Or à Berlin) pour commencer à montrer l'oeuvre du maître au grand public français... Enfin, sous l'égide de Disney International, avec ce que ça implique de décalage forcé en fonction des propres oeuvres du studio américain... Celui-là, par exemple, il ne sortira qu'en 2003 en France, l'occasion de le revoir ceci dit, mais c'est quand même scandaleux.

En 1996, donc, on allait les voir dans des projections semi-associatives, dans des vieux amphis de fac, avec des sous-titres anglais dans le meilleur des cas, ou amateurs, ou pas de sous-titre du tout... C'était noyé dans tout un fatras de feuilletons divers, mais en vrai, déjà, on venait tous pour les Ghibli...

Ce qui m'amuse, c'est que c'est un peu ce qui est arrivé à Kurosawa dans les années cinquante. Après avoir été découvert par Rashomon, et son Lion d'Or à Venise, il a longtemps fallu traîner dans de bizarres projos de cinéphiles pour découvrir un peu plus avant son oeuvre, avant que de petites ressorties cinéma ne compense lègèrement ces graves lacunes... Ils ont fait un peu pareil avec Kitano me direz vous après le Lion d'Or pour Hana-Bi et les ressorties des premiers en salle dans la foulée, mais il n'y a pas eu la phase underground, ce moment où les spectateurs devancent les distributeurs, où ils s'organisent d'eux-mêmes pour pouvoir voir ce qu'on leur refuse, ce qui, à cette époque lointaine ou le téléchargement n'existait pas même en projet n'était pas toujours une mince affaire...

Et Le Château dans le ciel, Laputa, comme on disait alors avec une intonation mystérieuse dans la voix, méritait sans conteste ce petit effort.
Torpenn
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le 6 nov. 2012

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Torpenn

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