Réaliser son fantasme en détruisant la vie de sa comédienne.

Ce film m'a énervé ! Et pour le coup, je m'aperçois que celui-ci m'a presque autant énervé par ses intentions de réalisation que par son propos lui même. Du coup, au lieu de faire une partie "objective" et une partie "subjective" comme d'habitude, je vais faire une partie "en dehors du contexte de la réalisation" et une partie "avec le contexte."

Et je vous fait pas de résumé : Le pitch, c'est un fantasme de vieux beauf qui veut se faire une nana.

Sans contexte

En réalité, j'avais déjà "vu" ce film. Sauf que c'était une époque où je tentais de mater des classiques du cinéma qui passait tard à la télé tout en jouant au jeux vidéos et qu'évidemment j'ai RIEN regardé et juste écouté la bande son. Ce qui pour un film qui passe essentiellement par les images est un peu bête : je me souviens que c'est l'histoire d'un couple qui baise ensemble, que la nana fait des films un peu niais sur l'amour et que l'homme est un gros dépressif.

Lorsque j'ai revu le film, je l'ai trouvé anecdotique et lourd. Alors, oui, il y a un parallèle entre le couple qu'elle forme avec Marlon Brando, qui vit caché, dans un petit appartement sans connaitre de détails sur l'autre ("pas de prénom" insiste t-il) et celui qu'elle forme avec Jean Pierre Léaud qui étale la totalité de sa vie au grand jour, lui demande de raconter des anecdotes et mets en scène sa vie intime. Le tout sans lui avoir demandé au préalable et en lui forçant un peu la main.

Mais ça c'est limite compréhensible par un élève de 5eme. (Enfin, par pitié ne foutez pas un élève de 5eme devant ce film, merci.)

A vrai dire, le reste du temps, ce film c'est surtout des scènes assez anecdotiques avec des acteurs qui jouent assez mal, Jean Pierre Léaud qui fait son acteur parisien en sur-jeux insupportable (preuve qu'il y a jamais eu que Truffaut pour savoir le diriger) et Marlon Brando qui est bon. On nous tartine à longueur d'année que les films français c'est des histoires de cul dans des appartements parisiens et où il ne se passe pas grand chose, mais les italiens, ils se posent là.

Après, il y a de jolis images, des jeux de miroirs sans arrêt et une mise en scène bien moins plate par Bertolluci qu'un truc comme Little Buddha.

Avec le contexte :

Lorsque j'ai lis la fiche wikipédia et en fouillant un peu, j'ai commencé à franchement être vénère tant c'est TYPIQUEMENT le genre de film qui me révolte tant il tente d'intellectualiser une position réac et des fantasmes de dominateur patriarcal.

Alors, oui, on va me tomber sur le rable sur le "réac" étant donné que ce film a été combattu par les réacs et qu'il a été longtemps été lourdement censuré et interdit : Il a été classé comme X, interdit par le Vatican, Bertolluci s'est pris de la prison (avec sursis.) Un petit cirque qui va durer 5 ans où les négatifs vont être interdit et son passeport pris. Mais le motif invoqué était "l'obsénité" et l'interdit sera levé 10 ans plus tard. Avec le temps, il est à peine aussi choquant graphiquement que les fameux "téléfilm du dimanche soir sur M6."

Comme je l'ai dit, c'est pas le film en lui même, qui m'emmerde, c'est son intention derrière.

L'idée de base de Bertolluci est lié au fait qu'il a croisé une femme dans la rue et s'est dit "et si je la baisais sans connaitre son nom." On est déjà dans tous ce que je déteste : le réalisateur filme avant tout pour satisfaire SON fantasme. C'est l'époque où tu peux mobiliser des producteurs et toute une équipe pour réaliser tes envies de te palucher dans ton coin.

Surtout quand ça consiste à effectuer une scène de viol sur ton actrice sans la prévenir de ce qu'elle va subir. Bertolluci disait qu'il voulait filmer "sa réaction en tant que fille et non en tant qu'actrice." Et on est typiquement dans ce qui m'énerve dans le cinéma : quand l'équipe technique (et notamment les acteurs) ne sont pas considéré comme des collaborateurs mais comme des éxecutants qui doivent se plier au délire du réalisateur, aussi nazes soient-ils. Ici, Maria Schneider n'est plus que considéré que comme un objet dont on va filmer la réaction quitte à n'en avoir rien à foutre des possibles répercussions sur la vie. La pauvre va dire que ce film a détruit sa vie et va plonger dans une vie d'héroïnomane. Chose dont Bertolluci se moquera éperdument, et avouera à la fin de sa vie être "peut-être un peu coupable."

Et tout comme La Maman et la Putain (tiens, encore un film avec Jean Pierre Léaud) on est face à une oeuvre d'art présentée comme subversive, en réaction au féminisme et à la libération sexuelle mais en réalité c'est un point de vue réac de mec ayant peur pour sa pauvre petite virilité que l'on trouve.

La plupart des clichés viriliste de ce film sont réunis : le mec de 50 ans qui se fait une nana de 19, la femme que l'on calme de sa colère après lui avoir mis une gifle magistrale (toutes des hystériques) le fait de coucher sans raison avec quelqu'un qu'on à peine rencontrer (elle a rien dit, mais au fond elle en crève d'envie) une scène de viol et d'humiliation (lubrifiée avec du beurre) dont on ne reparlera jamais (au fond ça a dû lui plaire) et le film se termine par la lithanie de Jeanne répétant ce qu'elle va dire au tribunal : "je ne le connais pas, il a tenté de me violer" (les femmes qui se plaignent pour viol sont des menteuses, elles finiront par nous tuer)


Ma couche d'énervement, elle est surtout sur la façon dont les gens qui savent les conditions de tournage du film, mais y trouvent quand même des excuses. Il suffit de lire les articles de presses (nombreux) sur l'affaire de la scène de viol présentée comme une "scène sulfureuse" ou "culte." Très souvent le mot viol est mis entre guillemet et la scène aurait "entaché" la réputation de Bertolluci (le pauvre petit choux.)


Je crois qu'il va rester L'EXEMPLE parfait de ce que je déteste dans le cinéma.

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le 7 sept. 2023

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