Le gros casting, l’ambiance rurale d’une Amérique perdue entre deux longues interstates, une jolie photo a l’ancienne... The Devil all the Time a tout d’un grand, et pourtant il se vautre lamentablement comme un goret dans une boue épaisse à cause d’un détail qui ne pardonne pas : il ne dispose pas d’un récit qui se tient.
The Devil all the Time c’est quatorze coïncidences cousues ensemble et narrées par l’auteur du livre lui-même, qui très vite évoque Sam Elliot dans The Big Lebowski, ce qui malheureusement est d’un ressort comique involontaire mais présent tout le temps...
Mais quand je dis tout le temps c’est tout le temps. "All the Time..." C’est sans doute ça que le titre voulait dire ! En gros, j’ai eu l’impression qu’Amelie Poulain essayait d’adapter un roman de Nick Cave...
Ça commence par une carte des États Unis et le narrateur stipule qu’il y’a une ville en West Virginia et une autre en Ohio qui sont séparées par 10H de route. Et qu’on est en 1957, ça il te le dit deux fois tu peux pas le rater.
Du coup on va voir une des deux villes et y’a Bill Skarsgard qui prie devant une croix. La voix off fait «ça lui rappelle la fois ou pendant la guerre du Pacifique il a retrouvé un mec à moitié mort crucifié» et on voit la scène.
Puis on se retrouve je sais pas quand mais pas en 57, car il revient tout juste de la guerre et rentre chez lui... je sais pas pourquoi on m’a assené le 1957 à deux reprises si ça ne sert que beaucoup plus tard... bref Bill croise des gens et la voix off explique ce qu’ils vont faire par la suite, ce qui constitue, on le saura a posteriori, la première coïncidence massive.
Et dans la foulée il va y avoir une pleine pelletée. Par exemple : Harry Melling tue la mère de la future demi-sœur de Tom Holland avant de se faire massacrer par Jason Clarke et Riley Keough, le couple croisé par Bill Skarsgard au début... Tom Holland finira par les tuer les deux après les avoir croisés « par hasard » !
Tout ces croisements se font au chausse-pieds, sans qu’il n’y ait là de discours à la Kieslowski sur le déterminisme et la chance... c’est juste « ça rend cool, non ? » Bah non. Une fois encore on a un parfait exemple de ce qui sépare un dramaturge d’un simple tricheur. J’en veux pour preuve l’inclusion d’une arme à feu dans les mains de Tom Holland pour qu’il puisse facilement se débarrasser de ses adversaires. Alors d'où elle lui vient, cette arme ?
Accrochez-vous bien : d'un type qui était engagé dans la guerre du Pacifique, mais qui a soi-disant récupéré le Luger qu'Hitler a utilisé pour se faire sauter le caisson ! Et même si cette dernière partie peut tout a fait être des racontars, qu'est-ce qu'il fout avec un Luger en revenant d'Iwo Jima ou Dieu sait où ?!
Non, on a décidément affaire à une narration pas réfléchie cinq minutes, miraculeusement portée à l'écran par des acteurs chevronnés qui donnent tout ce qu'ils ont, et maintiennent ainsi l'illusion du grand film d'époque...
Tournez vous plutôt vers Lawless de John Hillcoat... écrit par Nick Cave.