On en bégayerai de ferveur à vanter ses mérites!

Film récompensé par 4 oscars: meilleur film, meilleur acteur (Colin Firth), meilleur réalisateur et meilleur scénario original.
Avant même d'aller voir ce film une question nous turlupine: pourquoi diable donner l'oscar du meilleur scénario original à un film tiré d'une pièce de théâtre elle-même tirée adaptée de faits historiques réels?
Passons ce premier détail et attaquons le corps même du film: décevant.

Etant donné le brouhaha créé par ce film et le nombre d'éloges faites à son égard nous nous attendions à un chef d'œuvre, ce qui n'est pas le cas. Ce film qui se voulait être simple et sans ambition aucune se révèle être en vérité une machine à oscars. Par son académisme et sa rigueur presque froide, Le Discours d'un Roi ne peut que séduire le spectateur. Hooper n'a pris aucun risque et signe là un film propre, sans aucune fausse note, dans lequel les performances des acteurs sont remarquables. Mais alors pourquoi autant de bruit pour rien?

L'histoire est touchante, belle, surtout en ce qui concerne les relations humaines abordées sous plusieurs aspects, et qui évoluent au fur et à mesure que le défaut d'élocution du roi se soigne. Il était intéressant de creuser et d'analyser ses relations, et Hooper a plutôt bien réussi cet aspect, disons "social" du film. En effet, les relations mari/femme sont abordées et deviennent de plus en plus empruntes de respect au fur et à mesure que Berthie reprend le dessus sur son couple grâce à son élocution de moins en moins trébuchante. Lorsque le mari ne doute plus de son autorité et retrouve confiance en lui, il ne peut que s'affirmer auprès de son épouse pour le moins envahissante et trop protectrice. C'est sur le même raisonnement que les relations entre les deux frères vont évoluer, de même que les relations patient/thérapeute; même si en l'espèce la relation va devenir amicale et respectueuse. La relation qui peut sembler la plus intéressante est celle du roi avec ses filles: joueuses et demanderesses d'attention au début, elles vont finalement craindre leur père pour le voir non plus comme leur "Papa" mais bien comme le roi d'Angleterre. Bien sur, il en sera de même avec le peuple britannique tout entier.

C'est ici qu'une critique est à apporter au film: pourquoi se soucier autant d'un défaut d'élocution du roi? Car finalement, être bègue n'empêche pas de diriger un pays. Ce film est donc symptomatique de l'emprise des médias sur la vie politique d'un royaume. Car on nous laisserait penser qu'un roi qui fait mauvaise figure devant les médias dirige mal son pays... Mais Hooper a surement voulu centrer le film sur le roi lui-même et ses relations avec ses propres plutôt que sur cet aspect socio-culturel, ce qui est bien dommage. Le Discours d'un Roi est donc avant tout une histoire d'amitié, de confiance, et avant tout de confiance en soi. Il est regrettable de n'avoir pas plus mis en avant le contexte politique (montée du nazisme en Allemagne) car le film s'achève justement sur le discours du roi dénonçant la barbarie nazie et déclarant être prêt à rentrer en résistance contre Hitler. Fallait-il retrouver ses facultés d'élocution pour oser affronter Hitler? Nous espérons bien que non! Et c'est là le point le plus critique du film: plutôt que de faire ressortir le côté bagarreur et brillant du monarque, le spectateur ne va retenir que l'image tramblotante de ses lèvres, l'image d'un roi timide, presque soumi... Plutôt que de ressortir de la salle avec un sentiment d'admiration pour cet homme, nous ressortons avec une certaine gêne, une certaine culpabilité. Pourquoi? Culpabilité d'avoir observé les ébats d'un homme pour s'affirmer sur sa propre vie, ou culpabilité d'avoir douté des pouvoirs d'un homme du fait de son problème d'élocution?

Notons que la réalisation évolue en même temps que le problème du roi: de plans rapides, à l'image du discours saccadé du bègue, nous passons à des plans séquence plus longs, plus stables et plus paisibles. Le stress du langage a disparu, et du même temps la caméra se calme également: c'est beau.
Saluons enfin les performances des acteurs: Firth est étonnant de sensibilité et prouve qu'il était tant pour lui d'arrêter les comédies sentimentales pour midinettes. Rush signe une très belle performance, en interprétant un personnage attachant et bourré lui aussi de complexes et de problèmes d'intégration, notamment dans un club de théâtre... Sa performance est assez ironique quand on sait qu'il avait obtenu un oscar du meilleur acteur en 1997 pour son interprétation du pianiste fou et bègue David Helfgott dans Shine.
Cerise_V_
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le 21 oct. 2014

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