Du fait de son découpage merdique, la trilogie du Hobbit par Peter Jackson est à l'image de la fameuse tartine de Bilbon: une microscopique noix de beurre (= le roman original) à étaler, et étirer au maximum pour couvrir tant bien que mal la surface d'une énorme tranche de pain (= l'ambition démesurée du réalisateur-producteur-scénariste). Le résultat? S'agissant des deux premiers volets: des films plutôt très agréables mais pleins de trous comblés avec plus (le dragon, le look d'Esgaroth, Mirkwood) ou moins (surtout moins) d'inspiration.
Pour ce qui est de La Bataille des cinq armée - qui pour le coup, porte plutôt bien sont nom - , Jackson n'a plus de beurre à étaler sur sa tartine, l'unique chose à racontée étant une bataille, qui plus est même pas décrite par Tolkien. Or le bonhomme est de ces réalisateurs qui ont besoin de s'appuyer sur un scénario solide, au risque de partir en roue libre. Et le scénario ici, semble avoir été écrit à laide d’un « manuel du scénario pour les nuls ». Christopher Tolkien à donc cette fois-ci de très bonnes raisons d'être furax. Jackson se torche le cul avec l'œuvre de son père. Et comme si ce n'était pas suffisant, il pisse sur les spectateurs en essayant de leur faire croire qu'il pleut. Même s’il reste au dessus de ce qui ce fait ailleurs dans le genre de la fantasy au cinéma (en même temps, il n’y a pas vraiment de concurrence…), il ne reste presque plus rien de Tolkien (quelques scènes avec Bilbon par ci par là). Alors si Monsieur Jackson souhaitait faire un film World of Warcraft, il n'avait qu'à le faire savoir aux producteurs de l'adaptation - en production actuellement - qui auraient certainement été ravis. Mais pourquoi détourne t-il un univers qui, de toute évidence, le passionne ?
Les petites trahisons de l'adaptation du Seigneur des Anneaux étaient soit nécessaires (rajeunir Frodon, enlever l'épisode dans la vieille forêt qui aurait beaucoup trop ralentie La Communauté de l'Anneau, déplacer l'épisode d'Arachné dans Le Retour du roi pour que Frodon et Sam n'y fasse pas que de la figuration, évacuer la bataille de la Comté...) soit anecdotiques (faire de Gimli un comic relief, rendre Legolas cool...). Mais celles du Hobbit cassent la cohérence pourtant revendiquée par le réalisateur (il se propose bien de faire le pont entre Le Hobbit et Le Seigneur...) et trahissent l'esprit de l'oeuvre de Tolkien en ajoutant des trucs débiles pour, soi-disant, faire plaisir aux uns et aux autres (inventer un personnage féminin, une romance ridicule et un trauma initial à Legolas, Dark Galadriel + Kung Fu Saroumane + Elrond bouche-trou vs Sauron et les neufs, les vers de terre de Dune ou King Kong, les white walkers de Game of Thrones...). Et le pire, c'est que le film va marcher, ce qui pourrait permettre au réalisateur de poursuivre le massacre. C'est à croire qu'il y a deux Jackson: un Jackson-Sméagol qui fait les magnifiques adaptations du Seigneur..., et un Jackson-Gollum qui massacre ce qu'il touche, et rejoint ainsi Tim Burton et M. Night Shyamalan au cimetière des réalisateurs doués qui bradent leur talent. Reste donc l'impression d'un terrible gâchis, d'autant plus que Bilbon, personnage éminemment sympathique, est excellemment joué par Martin Freeman (de même que le Thranduil interprété par Lee Pace).
Bref, le roi Jackson est mort, vive la reine Daenerys Targaryen.