On a quitté nos héros en pleins suspense. Smaug vole vers Esgaroth avec l’intention de tout casser, Legolas vient d’entamer une course à cheval avec un orque, Gandalf est prisonnier de Sauron.

Bon, on a lu le livre, et en plus le titre du film, c’est « La bataille des 5 armées ». On sait que le sujet principal du film ne sera ni la bataille du conseil blanc à Dol Guldur, ni la victoire de Barde sur Smaug, mais la bataille qui s’ensuit entre elfes, hommes, nain, gobelins, et animaux géants pour s’emparer du trésor. Mais tout de même, je m’attendais à ce qu’on prenne vingt minutes pour résoudre les situations laissées en suspens dans le film précédent, histoire de ne pas être en porte à faux, histoire de rester cohérent avec le degré d’intensité dramatique qui avait conclu le précédent film.

Bref, en 5 minutes chrono (en durée ressentie), Smaug est mort, Gandalf est délivré, et Saroumane a renvoyé Galadriel et Elrond, décidant de s’occuper de Sauron tout seul (what could possibly go wrong with this plan ?). Oh, les scènes sont tout ce qu’il y a de plus satisfaisantes. Barde est l’archer ultime, capable de fabriquer une arquelance avec n’importe quoi en toute circonstance, et Galadriel est la Galadriel ultime. Mais cinq minutes plus tard, tout est fini, parce que faut pas déconner, le film n’est pas sur ça.

Oui, bon, on a effectivement signé pour la bataille des cinq armées, mais c’est tout de même un peu frustrant, ces problèmes insolubles qui sont résolus immédiatement après le générique de début.

Ce petit détail posé, que dire du film ?

Laissons pour l’instant de côté toute question de fidélité à l’œuvre d’origine. Oublions d’ailleurs qu’il y a une œuvre d’origine, et essayons d’avoir un regard neuf. C’est un film sur la façon dont le mal du dragon dévore Thorïn, le héros « toum, toum, toum » des deux précédents opus, le fait passer du côté obscur, peut-être un peu rapidement, mais pour sa défense, il ne s’y attendait pas et n’a rien fait pour s’en prémunir, ce qui aura pour conséquence de provoquer une bataille, au cours de laquelle il retrouvera sa raison et se rachètera par une conduite héroïque. C’est aussi un film sur l’amitié de Bilbon pour Thorïn, une amitié sincère qui pousse Bilbon à être le seul à s’opposer à la folie de Thorïn. Et c’est un film sur une bataille. Une longue bataille, bien mise en scène, avec son lot de cascades, et de chorégraphies classes. Accessoirement, l’intrigue amoureuse nain/elfe, introduite dans le film précédent pour le plus grand scandale des fans de Tolkien est continuée et conclue.

Tous ces éléments (à part l’intrigue amoureuse, sur laquelle je reviendrai) sont traités aussi bien qu’ils pouvaient l’être, et le film est plaisant. Mais ce sera celui que j’aime le moins des trois, parce que au final, il me faut un paragraphe pour le résumer. Il ne s’y passe pas grand-chose ; en même temps, c’est une conclusion, donc c’est un peu normal, mais quelque chose en moi continue à penser que tout un film sur une conclusion, c’est un peu beaucoup, que quitte à développer à mort les événements du livre, on aurait mieux fait de couper quelques unes des chorégraphies d’Orlando Bloom, raccourcir la bataille des cinq armées, et rallonger celle de Dol Guldur et celle de l’attaque de Smaug sur Esgaroth. Structuré comme il est structuré, le film donne avant tout l’air d’être une longue et interminable quoiqu’excellente scène d’action. Oh, c’est fort beau, c’est de l’action scene porn, mais si on compare avec les deux précédents films, on a le sentiment d’en avoir reçu moins qu’avant.

Revenons à l’intrigue amoureuse. Toute considération de fidélité à l’œuvre d’origine et de comparaison de taille mise à part, je ne l’avais pas trouvée si mauvaise que ça dans le film précédent, mais je l’estime mal menée dans celui-ci.

Déjà, on commence par une séparation déchirante entre les deux tourtereaux. Ca pourrait être bien, le problème, c’est que le dialogue est celui qu’ont deux amoureux de longue date qui se déclarent enfin qu’ils s’aiment car ils doivent se séparer. Ce genre de situation est toujours superbe, et m’arrache en général des torrents de larmes, mais soyons sérieux, ces deux-là se connaissent depuis au bas mot deux jours, et n’ont pas du échanger plus de dix phrases. Pas que je ne veuille pas croire à la sincérité de leur coup de foudre (qui, encore une fois, marchait très bien de mon point de vue, dans le film précédent) mais ils ne peuvent pas se parler comme si ça faisait des années qu’ils n’osaient pas s’avouer leurs sentiments, et comme si c’était la séparation qui les incitait à être sincères l’un vis-à-vis de l’autre. Ils devraient en rester au stade de la drague : ils ont de la répartie et du charme tous les deux, ça pourrait faire une fort bonne scène, où ils souffrent de se séparer mais se contentent de flirter avec un air faussement léger parce que conscients que les sentiments naissants qu’ils éprouvent l’un pour l’autre sont difficile à légitimer.

Mais bon, ce n’est pas le principal problème que j’ai avec cette intrigue. Le problème que j’ai, c’est avec sa conclusion. SI vous n’avez pas lu le livre, et que vous ne savez pas encore ce qui arrive aux treize nains à la fin, et si vous l’avez lu mais que vous ne voulez pas savoir le devenir de Tauriel avant d’avoir vu le film, arrêtez de lire à partir d’ici, le reste va être du spoiler.

Vous êtes partis ?

Ne trichez pas, j’ai dit que seuls ceux qui ne craignent pas le spoiler restent.

C’est bon ?

Bien, la conclusion, donc. Kili doit mourir, c’est prévu dans le livre. Thorïn aussi, et ce, dans les bras de Bilbon. Il doit donc DEJA y avoir une scène d’agonie déchirante. A partir de là, que fait-on de l’amoureuse qu’on a rajoutée à Kili ? On ne peut pas la faire se donner la mort, le cœur brisé, sur le corps de son bien aimé, car ça ferait redondant avec la scène ou Bilbon pleure sur le corps de Thorïn. Pour la même raison, on ne peut pas la faire mourir en premier et que Kili se donne la mort sur son corps. Quant au fait qu’ils meurent tous les deux, mais sans lien de cause à effet entre leurs deux morts, ça ne serait pas esthétique sachant que cette intrigue amoureuse rajoutée serait franchement énervante si elle s’avère ne servir à rien au final. Il ne reste que deux options, soit ils meurent en même temps, (du même coup de lame, ou alors le deuxième lance une attaque kamikaze pour anéantir l’assassin du premier), soit seul Kili meurt, mais sans avoir pu dire adieu à Tauriel.

Le film choisit la deuxième option. Mais il choisit cette option après que Thranduil ait fait un discours à Tauriel sur la stupidité d’être amoureuse, en particulier d’un mortel, parce qu’un mortel, ça meurt et que quand ça meurt ça fait mal. Et la conclusion de Tauriel sur le corps de Kili, c’est qu’effectivement, ça fait super mal, et qu’au final, être amoureux, c’est vraiment débile, parce que ça fait mal. Déjà, ça, c’est pas une conclusion qui me plait des masses. Ensuite, pour une raison obscure, Legolas attend la mort de son rival pour renoncer à celle qu’il aime. Pendant tout le film, il la suit et la soutient, bien que parfaitement conscient que la soutenir, ça veut dire l’aider à en sauver un autre, qui la connait depuis beaucoup moins longtemps, a débarqué dans leur vie de nulle part, et a mobilisé l’attention de la donzelle alors que celle-ci n’était pas indifférente à Legolas, avant. Ce dévouement et cette abnégation étaient beaux. Vraiment beaux. A eux aussi, j’aurais aimé une autre conclusion, et même sans autre conclusion, j’aurais bien aimé qu’on m’explique celle-là. Peut-être qu’en voyant Tauriel pleurer sur le corps de Kili il comprend qu’elle n’en aimera plus jamais un autre, et qu’il faut renoncer à tout espoir ? Mais dans ce cas, j’aurais aimé un dialogue explicite. Ce sera peut-être dans la version longue.

Le plus triste, c’est qu’il y avait parfaitement la marge de manœuvre pour que Tauriel meure d’une attaque kamikaze contre l’assassin de Kili. Elle en lance effectivement une et, sans raison aucune à part que ça donne l’occasion à Orlando Bloom de faire des chorégraphies époustouflante, elle y survit.

Maintenant que j’ai fait la liste de tout ce que j’ai à dire de ces films sans tenir compte du fait qu’ils sont des adaptations, venons-en au problème de l’état d’esprit Tolkienien ou non. Autant le précédent trahissait cet état d’esprit, autant j’ai le sentiment que ce film ci y revient comme il peut, se débarrassant du sujet des taxations des routes commerciales en faisant mourir le Maître de la ville aussi rapidement que possible, et s’arrangeant pour laisser Tauriel relativement à part par rapport au reste de l’intrigue.

Enfin, même sur ce sujet ci, ce dernier point se démarque peut-être un peu des autres. J’ai souvent entendu dire, lors de la sortie du précédent film, que l’intrigue amoureuse elfe/nain n’est pas Tolkiennienne. Sur le moment, je l’admettais sans peine, et puis j’ai réfléchi. Il y a une intrigue amoureuse elfe/nain, dans Tolkien. Oui, Gimli est amoureux de Galadriel, et Galadriel le trouve si bon dragueur qu’elle lui accorde trois de ses cheveux (alors qu’elle avait refusé d’en donner à Feänor). Ok, dans le livre, c’est présenté comme une blague de gros, ok, ce n’est pas vraiment une intrigue amoureuse. Mais concrètement, la situation n’est pas si différente entre Tauriel et Kili, dans le second film. Kili tombe amoureux de Tauriel au premier regard, et Tauriel le trouve si bon dragueur qu’elle lui accorde… Bon, de lui sauver la vie, c’est un peu plus engageant que trois de ses cheveux. Mais à partir de là, elle aurait pu rester ambivalente sur ce qu’elle éprouve pour Kili, d’autant qu’elle l’est sur ce qu’elle éprouve pour Legolas, et, quoi qu’on en dise, ça aurait pu être tout de même du Tolkien.

Quoi qu’il en soit, à part ce détail, j’ai le sentiment qu’avec ce film, on assiste à un retour de fidélité de Peter Jackson envers Tolkien, mais encore une fois, je n’aime pas Tolkien, donc je ne suis pas bonne juge. Un vrai fan de Tolkien me contredira sans doute.
tchoucky
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le 28 déc. 2014

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