"N'avais-je pas dit que vous seriez un fardeau ? Que vous n'aviez pas votre place parmi nous ?"

Le Hobbit : un Voyage inattendu a comme un goût de nostalgie. Dix ans après le Seigneur des Anneaux, on ne peut que se souvenir de tout ce qu'on a vécu, durant trois fabuleux films, avec une certaine Communauté liée à un anneau. L'Anneau. C'est autour de lui que tourne l'ancienne trilogie, et dans l'esprit des gens, que ce soit consciemment ou non, celle du Hobbit tourne aussi autour de cet anneau.

Pourtant, ce n'est pas là le but principal. Écrit avant le Seigneur des Anneaux, ce conte, comme on pourrait l'appeler, n'avait pas pour ambition d'être une aventure épique comme sa suite, qui fera accéder Tolkien au rang de légende. Ce n'était qu'une histoire écrite au fur et à mesure pour les propres enfants de Tolkien, et rien de plus.

Au cinéma, tout s'est produit différemment. Les deux œuvres étaient déjà écrites, et le Seigneur des Anneaux fut adaptée la première, étant la plus populaire. Et même, à l'époque, il n'était pas dit que le Hobbit serait adapté un jour ! Alors le Seigneur des Anneaux fut adapté au cinéma, de manière magistrale, et voilà que près de dix ans plus tard, le Hobbit sortait. Et forcément, comme il fallait s'y attendre, ce n'était pas aussi épique, aussi puissant, ni aussi noir et intense. Pourtant, c'est le même univers, une partie des mêmes personnages, et toujours le même réalisateur, malgré certains obstacles.

Que dire de ce premier film ? Doit-on le comparer avec ses aînés adorés ? Je dirais que oui, mais il ne faut pas pour autant en oublier que ce n'est pas le Seigneur des Anneaux qui est adapté ici, et il ne faut pas donc en exiger autant. C'est Bilbo le Hobbit, « juste » un conte enfantin. Alors il ne faut pas être déçu du manque de scènes épiques ou de personnages tourmentés et avec qui on compatit jusque dans leurs souffrances les plus extrêmes.

Beaucoup de gens s'en plaignent, mais la matériau de base est fait ainsi. Pourtant, le film se révèle par moments plus sombre que le livre, plus sérieux ou plus noble selon les moments, et on sent que Peter Jackson essaye de faire le lien avec le Seigneur des Anneaux de la meilleure des manières, en jouant sur les ressentis des personnages ou des spectateurs, sur des airs connus de la trilogie précédente, sur l'apparition d'un anneau sur le sol d'une caverne profonde chez les Gobelins, sur le geste que n'a pas Bilbo lorsqu'il ressent la fameuse pitié à l'égard de Gollum, pitié dont dépendra le sort de beaucoup. Il a fallu trouver un juste équilibre entre le respect du livre qu'est Bilbo le Hobbit et l'attente qu'avaient beaucoup de fans de la première heure concernant le Seigneur des Anneaux.

Et c'est à mon avis franchement réussi ! Non seulement l’œuvre originale est respectée, mais Jackson a réussi à donner de l'envergure à ses personnages, à nous faire aimer et respecter ces Nains en quête de leur foyer, à rendre plus palpitante l'aventure de Bilbo, à nous faire traverser avec lui les doutes et les peurs pour se découvrir un courage et une place légitime dans la compagnie. La légitimité, ce premier film l'a trouvée, car on peut critiquer la longueur, l'étalement du récit en trois films alors qu'il ne s'agit que d'un seul livre, mais on ne peut nier que la qualité est là, et bien là ! Les moindres détails sont visibles dans les décors et les personnages, chaque scène, chaque plan est soigné, et on aura beau penser qu'il y a des scènes peu ou pas utiles, j'ai personnellement pris un énorme plaisir à retrouver la Terre du Milieu.

Moins sombre que dans le futur, plus enchantée par le chemin qu'ont pris les Nains, elle est pourtant en déclin, et une ombre se tapit dans le noir. On ne manque pas dans ce film de nous le rappeler, nous renvoyant plus ou moins subtilement au futur que l'on connaît, et en nous présentant dans ce premier opus une menace que l'on apercevra semble-t-il mieux dans la suite.

Un des rares points un peu négatifs concerne finalement l'utilisation moins retenue des images de synthèse comparé au Seigneur des Anneaux, qui utilisait pas mal de costumes réels. Dans le Hobbit, on a droit à plus de personnages en images de synthèse, et bien qu'on en soit arrivé à un stade où ils sont d'un réalisme impressionnant, on n'est quand même pas encore au niveau de vrais maquillages, masques et prothèses.

Et même si le ton global se veut moins sérieux que dans le Seigneur des Anneaux, même s'il y a bien plus de situations comiques, il n'en reste pas moins que comparé au livre, ce premier film établit une réelle cohérence avec sa trilogie aînée, tout en parvenant à rester fidèle au matériau de base. En entamant une trilogie pour adapter un seul et unique livre – court, qui plus est – Peter Jackson a fait un pari audacieux. On a ainsi affaire directement à des versions longues de l'histoire de Bilbo, car même si une version longue officielle est sortie (pas encore vue pour ma part), je ne pense pas qu'elle soit aussi utile que l'étaient celles de la trilogie SDA. Ce premier film version cinéma semble déjà étirer au possible l'histoire du livre, sans pour autant en faire trop. Toutes les scènes ont un sens scénaristique ou artistique.

Il y a une chose que Gandalf dit dans le film et qui pour moi fait sens de plusieurs manières, dont l'une à propos même de la trilogie Hobbit : « Je crois que ce sont les petites choses, les gestes quotidiens des gens ordinaires qui nous préservent du mal... de simples actes de bonté et d’amour. Pourquoi Bilbon Sacquet ? Peut-être parce que j’ai peur et qu’il me donne du courage. »

A mon sens, cette réplique résonne avec la situation du film par rapport à la trilogie SDA, et c'est également valable pour le livre Bilbo par rapport au livre SDA. Malgré l'envergure bien moindre de la quête des Nains, malgré un souffle bien moins épique, il n'en reste pas moins que ce sont les mêmes valeurs qui sont en jeu – des valeurs comme le courage ou la loyauté – et que l'intention des héros n'est pas moins forte que si c'était le monde entier qui était en péril. Tous les gestes, même les plus petits et les plus ordinaires, peuvent participer à la lutte contre une menace, amener leur pierre à l'édifice d'une façon ou d'une autre ; et ce qui compte, ce n'est pas leur envergure ni l'impact qu'ils auront au final, mais bien l'intention qui se cache derrière et qui les motive.
Ce film, malgré son manque d'envergure par rapport au Seigneur des Anneaux, parvient à nous faire ressentir de grandes choses et à nous emporter avec les personnages dans leurs moments de dignité, comme lorsque Thorin se relève pour aller affronter seul son ennemi.

Finalement, le Hobbit : Un Voyage inattendu, c'est une aventure qui nous emporte un peu à l'improviste – ironique sachant combien on l'a attendue – avec une joyeuse compagnie, mais au fil des scènes on y découvre des principes, des valeurs qui lient ces personnages et qui nous font comprendre que l'enjeu n'est pas si anodin que ça.
On peut penser que cette nouvelle trilogie est moins justifiée que celle du Seigneur des Anneaux, pourtant avec ce premier film, j'ai ressenti à nouveau le profond respect qu'a Peter Jackson pour l’œuvre de Tolkien, et sa propre œuvre transpire ce respect ainsi qu'un soin minutieux apporté à tous les détails, des images plus magnifiques que jamais, une musique toujours aussi belle et évocatrice, et des acteurs qui sont toujours aussi justes dans leurs rôles.

Bien que ce soit difficile, il faut essayer de ne pas trop comparer la nouvelle trilogie avec le Seigneur des Anneaux et simplement l'apprécier pour ce qu'elle est – une aventure plus poétique, féerique mais toujours noble – et ne pas en exiger un souffle aussi épique. Ce qui a été fait sur ce premier film est déjà amplement satisfaisant, et si ça continue ainsi sur les deux prochains, alors Peter Jackson aura réussi.

Qu'on le veuille ou non, qu'on aime ou pas, qu'on soit comblé ou déçu, la trilogie du Hobbit est entamée, et elle a un goût de nostalgie, mais de très bonne nostalgie ! Ce premier film a été fait, et très bien fait !
Yoan_Arrazat
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le 12 déc. 2013

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Yoyo la Frite

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