Grandes figures du cinéma social belge, habitués du Festival de Cannes depuis maintenant un peu plus de 20 ans, Jean-Pierre et Luc Dardenne reviennent cette année avec un film brûlant sur un sujet d'actualité qui ne l'est pas moins, à savoir la radicalisation extrême d'un pré-adolescent à l'islam.
Comme à leur habitude, les deux frères prennent soin de filmer de manière très rapproché (via l'utilisation de Gros Plans et de Très Gros Plans) le visage et le corps de leurs personnage principal, histoire de mieux faire partager ses émotions et états d'âme. Que l'on apprécie ou pas cette méthode, force est de lui reconnaître une certaine efficacité dans la manière très naturelle et surtout humaine avec laquelle ces diverses émotions (joie, peine, colère) sont traités. Le fait que les Dardenne aient choisit, pour le rôle d'Ahmed, un non professionnel (le jeune et prometteur Idir Ben Addi) y est aussi pour quelque chose.
Le principal souci du film se trouve dans la manière dont ses deux thèmes principaux (la radicalisation et la rédemption) sont abordés. A force de vouloir à à tout prix coller à la dure réalité des faits (l'échec des services sociaux pour la jeunesse, le point de non retour concernant les radicalisés), les deux frères en oublient presque de s'attarder sur ces deux leitmotivs scénaristiques, se contentant juste de filmer et de dévoiler la triste décadence d'un pré-ado par ailleurs très fermé et ultra replié sur lui-même auquel on a du mal à s'attacher, et encore moins à s'identifier.
Ayant toujours été emprunt à dévoiler un certain réalisme social, les frères Dardenne semblent, depuis déjà quelques films ("Le silence de Lorna", en gros), tourner en rond sur eux même, trop occupé à se regarder filmer la déchéance sociale sans prendre le temps de réellement s'attarder de manière psychologique sur le sujet, ce qu'ils ne faisaient pourtant pas dans leurs premières oeuvres telles que "La promesse", "Rosetta", "L'enfant" ou "Le fils", dont la force cinématographique reposait également sur un minimum de scénario suffisamment construit pour bien nous tenir en haleine.
Bien qu'assez estimable sur certains points (les relations entre personnages fonctionnent assez bien, le sujet du radicalisme est abordé de façon honnête), ce nouveau film des Dardenne se perd malheureusement dans son envie trop démonstrative de dévoiler les dangers d'un mal contemporain touchant de près à la jeunesse actuelle.