C'est l'été 1996. Pour ses vacances, Bernard-Henri Lévy a décidé comme à son habitude de mettre un peu de distance entre lui-même et le bas-peuple. Sa destination cette fois-ci, une jolie villa coloniale près d'Ixtapa, au Mexique, qu'il a loué avec quelques amis, piscine et domestiques compris.


Parmi ses invités, il y a bien évidemment Arielle Dombasle, sa femme, mais aussi plusieurs de ses amis, comme Alain Delon, Lauren Bacall, Karl Zero... Tous ne portent pas forcément le "philosophe" dans leur cœur mais un voyage au Mexique tous frais payés, ça ne se refuse pas !


Seulement, quelques jours après leur arrivée voilà qu'un séisme ravage la région ! Si la villa ne subit aucun dommage, elle est coupée de la ville la plus proche et le programme du séjour ainsi que le moral des troupes en prennent un sacré coup.


Qu'à cela ne tienne, nos vacanciers milliardaires font contre mauvaise fortune bon cœur et pratiquent assidument leurs loisirs favoris, qui peuvent se résumer pour la plupart à boire, baiser et commander des repas compliqués aux domestiques. Xavier Beauvois exerce assidument son sport préféré, la boxe française. Alain Delon, lui, a un hobby plus original, la montgolfière. Il prend un plaisir immense à s'envoler loin de ses amis dont la présence commence à l'étouffer. Alors voilà, le jour, il s'envole en ballon, la nuit, il descend des whiskys...


BHL, lui, en l'absence de micros, de journalistes, et de caméras à qui exhiber sa chemise ouverte et son esprit fermé, est bien triste : il n'arrive pas à trouver de hobby... Comment s'occuper et garder contenance au milieu de tant d'amis si prestigieux ? C'est alors que lui vient LA bonne idée (enfin, ça paraissait plutôt une bonne idée sur le moment) : ressortir la caméra que sa douce Arielle lui a offert pour son anniversaire et filmer leurs vacances, pour en faire ensuite un film qu'il pourra montrer à ses amis, ou peut-être même revisionner avec nostalgie, qui sait !


Et le voilà parti. Cheveux au vent, de jour comme de nuit, il va tout filmer : ses potes qui fument, boivent, baisent, se trompent entre eux, se disputent, les domestiques aux cuisines, les paysages, les tours en montgolfière d'Alain (de loin), les considérations d'Alain (de près cette fois-ci, et bien gris) sur le talent, l'inspiration et la carrière d'un artiste, un mémorable combat de boxe, l'arrivée du voisin (un espagnol en retraite dorée), une non moins mémorable scène où celui-ci met des claques au cul de sa femme...


Ce n'est qu'en voyant la fin du voyage approcher et après avoir quelque peu abusé de la coca locale que Bernard-Henri se décide à revisionner les bandes en compagnie de sa femme. C'est le déclic. Lui est émerveillé par le naturel d'Arielle (elle joue plus blanc que blanc), elle par la grande qualité qui ressort des scènes. L'idée leur vient alors d'en faire un film, un vrai (le processus est à peu près le même quand il vient à BHL l'idée d'écrire un livre).


La route est réparée. Il ne reste qu'un jour et demi avant le jour du départ, il faut vite écrire un scénario et tourner quelques scènes supplémentaires qui, judicieusement ajoutées au début et à la fin du film, feront illusion. Karl Zero est encore sous la double-emprise de la cocaïne et d'un champignon hallucinogène local, mais tant pis. Le montage, lui, est confié aux domestiques qui s'en donnent à cœur joie.


Ne reste plus qu'une chose à faire : envoyer le film à la société de production créée par Papa, Les Films du Lendemain, et à la Commission des avances sur recettes, présidée par BHL lui-même, qui s'occuperont de la suite.


BHL est assurément un génie : il aura réussi à faire subventionner ses vacances au Mexique à hauteur de 53 millions de francs et à les faire passer pour un film aux yeux des salles de cinéma français. Dommage que l'illusion n'ait pas tenu passé le jour de sortie du navet.


Allez, rendez-vous bientôt pour les prochaines vacances du "philosophe" le plus décontracté du pays, cette fois-ci, destination Tobrouk !

Nordkapp
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le 30 juil. 2015

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