Un juge d’instruction incorruptible, audacieux et obstiné (notre regretté Patrick Dewaere), aidé d’un inspecteur de Police intègre (feu son grand pote François Léotard), suite à l’enquête d’un simple braquage de station-service, engrène une investigation de plus en plus compromettante engageant d’anciens militaires, industriels, maffieux, hauts fonctionnaires et responsables politiques. Au-delà des violences et des difficultés des recherches, ils devront surtout lutter contre les pressions, intimidations, jeux d’influence et menaces les plus redoutables, celles de la clique complice siégeant dans les hauts milieux de la société Française de 1976 (au générique, et non 77 comme on voit écrit partout). Incarnés entre autres par Michel Auclair, Jean-Marc Thibault, Aurore Clément, Jean Bouise, Roland Blanche, et même un tout jeune Bernard Giraudeau, l’aventure rappelle avec plaisir une saison cinématographique révolue.
Clairement engagé à «gauche» par ses très nombreuses références, de ce film émergeront des soupirs indulgents et presque nostalgiques d’une époque naïve où la pouvoir ne pouvait être qu’à «droite», l’espoir des vertus dans l’éternelle opposition, et où la dualité entre les deux avait encore un sens. Y apparaissent aussi surréalistes les méthodes policières, les conditions de braquage, les énormités investigatrices, les conditions de sécurité publiques, armées ou bancaires. Inspiré du meurtre du juge Renaud en 1975, ce film se veut un pamphlet sociétal de son époque, précurseur d’un esprit qui osait dénoncer la malfaisance maffieuse dans des hautes sphères du pouvoir, sous l’accueil mitigé d’un public pas aussi désabusé qu’aujourd’hui.
Mais au-delà de ces décalages de près d’un demi-siècle, la mise en scène, sujets, enjeux et équations de cette société corrompue bénéficient d’une intemporalité parfaitement applicable à tous temps. Il en va de même en ce qui concerne l’hypocrisie classique de toute une caste professionnelle, en l’occurrence ici le syndicat de la magistrature, aidant, encourageant, tout en jouant la bienséance et en se cachant prudemment derrière le héros qui en a où je pense et qui fera tout le sale boulot à leur place.