Jean-Marie Fayard est juge d'instruction du côté de Saint-Etienne, dans la Loire. Quand on le voit avancer, droit, sûr de lui, fondant sur ses prévenus, on comprend qu'il n'a pas peur de bousculer les prétentions autour de lui. Rien ne le fait reculer. Dans la scène d'ouverture, on le voit arrêter un patron qui ne respecte pas les règles du code du travail. Pour cela, Fayard sera réprimandé par sa hiérarchie et dessaisi du dossier, et le patron, libéré par une hiérarchie judiciaire bienveillante envers les dirigeants, paradera devant les journalistes en faisant le héros humble. Le ton du film est donné.
Fayard est sans cesse qualifié de gauchiste, comme si vouloir faire respecter la justice sans se soucier des postes et mandats des personnes était une idée de gauche. Cependant, cette "accusation" (comme si être de gauche était incompatible avec le métier de juge) ainsi que les méthodes employées, qui consistent à mettre franchement les pieds dans le plat, rapprochent Fayard du cinéaste, Boisset. Une certaine volonté de dire directement et franchement les choses et de ne pas s'encombrer avec du respect mal placé.
Fayard, c'est Patrick Dewaere, dont on ne dira jamais assez qu'il fut un des acteurs les plus géniaux du cinéma français. Comme toujours, Dewaere joue son personnage à fond, s'assimilant totalement à cette quête de vérité et de justice. Car Fayard se voit comme une sorte de héros luttant contre des forces adverses pour faire respecter le droit.


Le film de Boisset s'inspire d'un fait divers, l'histoire du Juge Renaud, premier magistrat à être assassiné en France depuis la fin de l'Occupation. Le cinéaste ne cache pas cette ressemblance, se contentant de déplacer un peu l'action, qui passe de Lyon à la ville voisine de Saint-Etienne (le Gang des Lyonnais se transformant en "Gang des Stéphanois"). Pour un spectateur de 1977 (alors que le juge a été assassiné en juillet 75), les allusions sont limpides. Mais Boisset ne cherche pas à faire un film biographique (ce que l'on appelait pas encore un biopic).
Son film est l'histoire d'un engagement. Le portrait d'un personnage engagé, un peu frère du réalisateur.
Mais, au-delà, c'est le portrait politique de la France des années 70 qui est dressé là, un portrait accusateur, jetant en pleine lumière les collusions entre gangsters, politiciens et hiérarchie judiciaire.
Avec cela, Boisset nous livre aussi un film à l'américaine, film d'action musclé (selon les critères de l'époque) avec courses-poursuites, évasions, fusillades, etc. Fayard est un peu un cousin de Harry Callahan (toutes proportions gardées, bien évidemment). Ses méthodes peuvent s'avérer brutales (il n'hésite pas à secouer ses témoins, même s'ils sont dans un lit d'hôpital) car, pour lui, tout est bon pour obtenir justice.
Au final, un film très efficace, pas un chef d’œuvre mais une agréable réussite avec un casting qui nous rappelle quelques grands noms du cinéma français des années 70 : outre Dewaere, nous avons Philippe Léotard, Jean Bouise, Marcel Bozzuffi...

SanFelice
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Grands et petits écrans en 2015

Créée

le 22 juin 2015

Critique lue 957 fois

29 j'aime

6 commentaires

SanFelice

Écrit par

Critique lue 957 fois

29
6

D'autres avis sur Le Juge Fayard dit "Le Sheriff"

Le Juge Fayard dit "Le Sheriff"
SanFelice
7

L'affaire Renaud, version Boisset

Jean-Marie Fayard est juge d'instruction du côté de Saint-Etienne, dans la Loire. Quand on le voit avancer, droit, sûr de lui, fondant sur ses prévenus, on comprend qu'il n'a pas peur de bousculer...

le 22 juin 2015

29 j'aime

6

Le Juge Fayard dit "Le Sheriff"
Gondebaude
7

Les infortunes de la vertu ou l'illustration en images de la vision sadienne du monde.

Film profondément engagé et sombre d'Yves Boisset. Ici, tout le monde est coupable et les seuls innocents sont baladés, secoués et en prennent pour leur grade. Cette œuvre est presque une...

le 23 mai 2013

16 j'aime

4

Le Juge Fayard dit "Le Sheriff"
oso
7

Un hurleur chez les sourds

Du Boisset pur jus, revendicateur et radical : l’homme injecte dans son protagoniste toute la force de sa conviction pour porter à bras le corps une critique virulente de la France des années 70 et...

Par

le 15 juil. 2015

9 j'aime

Du même critique

Starship Troopers
SanFelice
7

La mère de toutes les guerres

Quand on voit ce film de nos jours, après le 11 septembre et après les mensonges justifiant l'intervention en Irak, on se dit que Verhoeven a très bien cerné l'idéologie américaine. L'histoire n'a...

le 8 nov. 2012

256 j'aime

50

Gravity
SanFelice
5

L'ultime front tiède

Au moment de noter Gravity, me voilà bien embêté. Il y a dans ce film de fort bons aspects, mais aussi de forts mauvais. Pour faire simple, autant le début est très beau, autant la fin est ridicule...

le 2 janv. 2014

218 j'aime

20

Chernobyl
SanFelice
9

What is the cost of lies ?

Voilà une série HBO qui est sans doute un des événements de l’année, avec son ambiance apocalyptique, ses flammes, ses milliers de morts, ses enjeux politiques, etc. Mais ici, pas de dragons ni de...

le 4 juin 2019

214 j'aime

32