Le Lac aux oies sauvages (2019) - 南方车站的聚会 /113 min.
Réalisateur : Diao Yi'nan -刁亦男
Acteurs principaux : Kwai Lun-mei - 桂綸鎂 ; Hu Ge - 胡歌 ; Liao Fan - 廖 凡.
Mots-clefs : Chine ; Esthétisme ; Fuite.


Le Pitch :
Un chef de gang en quête de rédemption et une prostituée prête à tout pour recouvrer sa liberté se retrouvent au cœur d’une chasse à l’homme. Ensemble, ils décident de jouer une dernière fois avec leur destin... Une plongée dans le jianghu ("rivières et lacs" en chinois), terme qui désigne le monde souterrain dans lequel se retrouvent toutes les catégories en marge de la société et qui hante les arts chinois.


Premières impressions :
Qui dit confinement, dit cinéma à la maison, beaucoup de cinéma avec option rattrapage des films asiatiques sortis ces dernières années et éventration des DVD squattant mes étagères depuis trop longtemps. Je n’avais pas prévu d’écrire de critiques mais comme de toute façon je suis incapable de me concentrer sur mes autres écrits, autant signer une petite bafouille sur le film d'hier soir tout droit venu de Chine continentale : Le Lac aux oies sauvages de Diao Yi’nan.


À vrai dire, le travail de ce réalisateur ne m’était pas tout à fait inconnu puisque j’avais déjà eu l'occasion d'écrire une critique sur son film précédent, Black Coal (2014) dont grosso modo seule l'affiche m'avait enthousiasmé. Vendu dans sa bande annonce comme un thriller haletant, récoltant un prix à Berlin, le film s’était avéré être une enquête policière molle qui, hormis quelques jolis plans, avait été aussi excitant qu'un cours universitaire en danois sur la reproduction des lombrics. Du coup, même si l’affiche du Lac aux oies sauvages est elle aussi, magnifique, je ne m’étais pas franchement pressé dans les salles pour le voir à la sortie. J'ai peut-être eu tord.


De primes abords, Le lac aux oies sauvages n'est pas tellement différent de Black Coal. Tous deux sont des films assez mélancoliques qui nous plongent dans la face pauvre de la Chine, celle qui se débrouille pour survivre, tous deux ressemblent à une enquête dont les éléments nous sont donnés au compte-goutte, tous deux utilisent un couple de héros dramatique. La différence notable, c'est que cette fois nous suivons le camps du gangster, un petit trafiquant de moto volées, qui fuit la police. Rien de nouveau sous les nuages de Wuhan vous me direz, (le film y est filmé), seulement cette fuite n'a pas pour but d'échapper à la justice mais de faire en sorte que sa femme puisse toucher la récompense pour l'avoir dénoncé et donc ne pas vivre misérablement. Si la flicaille l'attrape directement, il n'y aura pas de prime, et pas de prime, pas de pognon. Pas de pognon, pas de palais. Pas de palais...Pas de palais.


Dans cette partie de cache-cache dans les quartiers malfamés, notre gangster est aidé par une jeune femme, qui crève l'écran dès sa première apparition. Manteau rouge, cheveux court, cigarette, la fabuleuse Kwai Lun-mei (Blue Gate Crossing, Taipeï Exchanges) nous transporte dans les plus beaux films d'espionnage et dont je suis tombé amoureux au premier regard. Un petit chaperon rouge plus complexe qu'il n'y parait puisqu'on apprend vite que la belle indépendante est aussi une baigneuse, une prostituée de plage, dont la vie est contrôlée en tout point par son maquereau... Une femme esclave de sa condition donc, mais dont la morale reste libre. Une héroïne qui n'en n'est pas une, tout en l'étant. Superbe. À des années lumières de la romance fadasse de Black Coal.


Enfin, l'autre différence majeure se fait dans l'image. En quelques années, Diao Yi'nan a offert à sa photographie une esthétique plus moderne, pas moins expérimentale mais qui allume l’œil du cinéphile. Usant et abusant des néons flashy, perdant ses spectateurs dans les dédales de ruelles sombres et inspirantes, un peu à l'image de ce que faisait Bi Gan dans "Un long voyage vers la nuit" ou Dong Yue dans "Une pluie sans fin". Pour sûr Diao Yi'nan ne nous montre qu'une vision distordue et romantique de la réalité, mais il y a de quoi y trouver tellement de grâce.


Bon au-delà de tout ça, le film n'est pas non plus parfait. Le début est sur expliqué, les effets visuels sont souvent trop marqués et plusieurs scènes tournent en rond. Par ailleurs, les scènes impliquant la police sont trop confuses et l'inspecteur le pourchassant n'a pas la saveur suffisante pour être un antagoniste crédible qui dramatise la situation. Un bon film, c'est avant tout un bon antagoniste, seulement voilà en Chine, la censure ne laissera pas passer quelque chose qui écorcherait trop l'image de la police et de l'état, aussi le manque d'aspérité de la marée chaussée peut s'expliquer à défaut de s'excuser, mais après tout ici l'antagoniste n'est pas si important, il plane plutôt comme une menace invisible.


Pour conclure, je dirais que ce **Lac aux oies sauvages est un film que j'ai beaucoup aimé, à la manière d'un film de genre un peu classique, puisqu'il ne faut pas le prendre autrement. Un film globalement maîtrisé dans son esthétisme et dans l'évolution de ses personnages, héros tragique d'une dramaturgie vieille comme le monde mais qui fonctionne toujours aussi bien.**

GwenaelGermain
8
Écrit par

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Créée

le 10 nov. 2020

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