Le retour de Scorsese est-il gagnant pour sa première incursion dans la satire?

"Le Loup de Wall Street" est un film assez surprenant. D'une part, parce que Martin Scorsese en est le réalisateur, ce qui est assez curieux contenu de la filmographie du monsieur; et d'une autre part, pour la cadence qu'arrive à garder le film durant ses 3h. En effet, Scorsese, qui d'habitude réalise des films toujours très sérieux dans leur traitement narratif, toujours très sobre dans leur mise en scène, offre ici un festival de situations toutes plus folles les unes que les autres, sans aucune retenue. Il est parfois difficile de croire que ce qui est montré à l'écran, s'est réellement passé. D'ailleurs je dirais que le principal point faible du film vient de son côté trop démonstratif, parfois lourd et répétitif . Il est vrai qu'à certains moments on aimerait voir autre chose que des scènes de beuveries, de sexe ou encore de défonçage complet à la cocaïne. De ce côté là, malheureusement le métrage arrive difficilement à se diversifier. Le style complètement barré du personnage le veut, mais il y a un moment où les scènes s'enchainent et se répètent, scénaristiquement parlant ce n'est pas assez dosé à mon goût. Je pense que 3h était peut être un peu excessif, contenu de ce que l'histoire veut nous faire passer comme message. A différents moments, on ne comprend pas vraiment quel chemin l'oeuvre veut emprunter, ni ce que certaines scènes pourraient apporter en plus. Le film est difficilement cernable à certains niveaux, ce qui est fort dommage, du coup cela peut devenir lassant, comme si le métrage errait sans réel but. Passé cela, "Le Loup de Wall Street" est un véritable petit bijou d'humour. La folie humaine est poussée à son maximum orchestrée par un Leonardo DiCaprio complètement barré. Sa performance est exceptionnelle, totalement déroutante à tous les niveaux; l'acteur va chercher très loin dans ses ressources pour nous offrir déjà l'une des meilleure performance de l'année. Le film est une succession de moments plus loufoques les uns que les autres. Après cela, plus sérieusement, on peut toujours déchiffrer une quelconque critique sur la société de consommation et plus précisément sur la classe boursière et élitiste naissante dans les années 80. Je ne crois pas que le réalisateur voulait faire passer un quelconque message social, mais plutôt montrer les effets nocifs qu'ont l'argent, la drogue et l'alcool sur l'homme, rendant la fresque absurde, mais au combien réaliste. Quoi qu'il en soit on ne pourra jamais juger Belfort pour ses actes puisque la plupart du temps il n'était pas sobre. Il est tout de même louable d'avouer que cet homme, qui n'est au départ qu'un simple petit coursier, va devenir un véritable requin de la finance. Malgré qu'il y soit arrivé par le biais de magouilles et autres combines malhonnêtes, il a tout de même réussi à battir un empire, et cela on ne pourra jamais lui enlever. Ce qui est aussi incroyable avec ce film, c'est qu'il arrive à nous faire aimer ce personnage, alors que c'est un ignoble escroc, par le biais de ses méfaits, et nous avons un plaisir coupable à adhérer à cela, et même à en être amusé. Le film est rarement sérieux et est politiquement incorrecte sous tous les angles. Les successions de gags permettent de voir le 3h passer assez vite. Pour parler des autres acteurs et de leur personnage, Jonah Hill est vraiment bon dans son rôle de second et d'associé assez maladroit à certains moments, il faut l'avouer. Son personnage est intéressant pour différentes raisons que celui de Belfort. Le fait est qu'il n'est pas dans le monde de la bourse au départ, ce qui rend d'autant plus incroyable ses compétences de leader, d'autant que lors de sa première apparition, on a l'impression d'avoir à faire à un garçon assez limité. Il ne baigne pas du tout dans le monde de la finance, il est complètement novice dans ce domaine. Il n'a aucune ambition, et c'est finalement grâce à Belfort, que sa vision du monde et que sa personnalité va virer. Son évolution suit par contre, un peu prêt la même courbe que celle que Belfort. Une totale perte de contrôle, le pouvoir qui monte à la tête, jusqu'à une perte totale de la réalité. Une longue descente dans l'orgie la plus extrême pour revenir finalement à la triste réalité des choses, à une terminaison aussi logique que préméditée. Margot Robbie est une agréable surprise, elle est aussi sublime que talentueuse. Son personnage est sûrement l'un des plus caricaturale du long-métrage, mais il prend de plus en plus d'importance au fur et à mesure que le personnage principal évolue. Les apparitions de Matthew McConaughey et de Jean Dujardin sont intéressantes pour des raisons différentes. Les deux personnages vont chacun apporter et diriger directement ou indirectement les choix de Belfort, et vont l'amener pour l'un à réussir et l'autre à périr. Je prendrais encore la peine de souligner la BO qui est complètement conforme à l'oeuvre. Elle permet d'installer une ambiance attractive tout comme le montage, ce qui crée une alchimie et une osmose parfaitement diluées. Un très bon film donc qui confirme que Martin Scorsese n'a pas perdu la main, qui nous vend une petite merveille satirique et amorale sur la race humaine et la société instable américaine.
Jogapaka
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le 6 mars 2014

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Jogapaka

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