LE LOUP DE WALL STREET – 15/20
Après une incursion mitigée dans le film familial (Hugo Cabret) qui lui aura surtout permis d’expérimenter la technique de la 3D à défaut de livrer un chef-d’œuvre, Scorsese revient aux personnages extravagants et au destin « bigger than life » qui peuplent son impressionnante filmographie. Le loup de Wall Street retrace l’incroyable ascension de Jordan Belfort, dont l’implacable confiance en lui, le bagou et l’arrogance auront repoussé les murs de Wall Street pour y construire son empire, un royaume de stupre, de drogue et de fric où l’outrance n’avait pas de limite.
Avec une virtuosité affolante, Scorsese retranscrit la folie d’une époque et les excès de l’American Dream. Si tout est possible, alors tout doit être permis… La réalisation du maître est d’une richesse démentielle, sans pour autant jamais produire l’effet superflu. Les plans et les idées de mise en scène s’enchaînent avec une fluidité remarquable, que ce soit les travelings, les va et vient entre les différents personnages, les hallucinations psychotiques ou les confessions face caméra de son anti-héros. Provocante et profuse, l’esthétique du Loup de Wall Street offre son lot de scènes dantesques instantanément cultes, où l’humour rivalise avec le pathétique.
Scorsese a aussi le bon goût de ne pas glamouriser le parcours de Belfort et d’assumer la vulgarité et la crasse qui accompagne sa fulgurante ascension, malgré l’argent qui est vomi de toute part. Si bien que le biopic acquiert rapidement une crédibilité indiscutable et fait rentrer Jordan Belfort dans le panthéon des grands personnages Scorsesiens, ces grands salauds à la psyché complexe, infréquentables mais impossible à lâcher..
Avec une liberté jouissive, il flingue ce qu’il reste du mythe du temple de la spéculation financière, déglingue les motivations de l’argent sale et facile, les frustrations du «toujours plus».
Belfort cristallise cette outrance vaine, cette quête du plaisir constamment insatisfaite. Et qui d’autre que DiCaprio pouvait interpréter le cynisme et l’ambiguïté de ce personnage hors norme ? Il prête ses traits de jeune premier abîmé au trader avec le talent monstrueux qu’on lui connaît, habitant l’écran avec une énergie communicative et une variété de jeu que peu d’acteurs peuvent lui opposer. Il serait temps que l’académie des Oscars se penche sur son cas…
Avec le Loup de Wall Street, Martin Scorsese renoue avec ce qui fait le sel de son meilleur cinéma, saisir comme personne sur une période la complexité et les contradictions de son pays. Et livre une magistrale et étourdissante épopée.
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