Le rêve américain, en quelque sorte

Il y a plusieurs manières de percevoir ce film : biopic historique un peu mou du genou, documentaire sur l'histoire de la condition des Afro-Américains, histoire émouvante d'une famille déchirée par ses convictions politiques ou évolution des mentalités à la Maison Blanche vue par le prisme d'un majordome. Ou alors on considère le tout à la fois, ce qui permet de passer outre les faiblesses du film, et de l'apprécier pour ce qu'il tente de proposer.

Parce que malgré son côté forcément lacunaire (si vous vouliez l'histoire exhaustive, il y a sans doute d'excellents bouquins sur le sujet), Le Majordome fait le choix de ne sélectionner que certains moments pour les approfondir et montrer leur influence sur la vie à la Maison Blanche et dans une Maison de Noirs. Et en fait ça fonctionne, parce que si le film a forcément un message anti-raciste, il reste nuancé grâce à la diversité des points de vue : certains Blancs sont contre l'évolution des droits civiques, d'autres prennent conscience de la logique des revendications des Afro-Américains, certains Noirs veulent changer les choses par la force, d'autres en se fondant dans le système avec la volonté de le transformer de l'intérieur. Ce qui donne d'ailleurs lieu à des affrontements idéologiques plutôt poignants, entre Louis (le fils) et son père, ou son frère. Discussion d'où sortira un splendide "Tu te bats contre ton pays, et moi pour lui" en évoquant le Vietnam. Et au final, difficile de dire qui aura eu raison.

Et c'est après plus d'une heure de film que j'ai en fait compris l'intérêt-même de celui-ci, pour ne plus m'ennuyer une seule seconde jusqu'à la fin. Parce qu'on finit par s'attacher à cette petite famille afro-américaine, à ses déboires, à ses joies, et même si les présidents sont bâclés dans leur traitement (quand ils ne sont pas mal joués, leur rôle est caricaturé à l'extrême), ces cinquante ans d'histoire américaine ont le mérite d'être intéressants, rythmés et coupés quand il le faut. Avant la séance, je parlais justement de Forrest Gump, et si Le Majordome n'a pas la même puissance évocatrice, ni la même volonté d'englober tout et de proposer un regard neutre et vide, il a au moins le mérite de se focaliser entièrement sur un sujet précis, et de le montrer sous tous les angles. Un parti pris que d'aucuns regretteront, mais qui au final m'aura convaincu.

Un divertissement pas trop con, pas trop manichéen et ... divertissant, pas trop mal en somme. Ah et l'évolution de la musique afro-américaine qui se fait en parallèle du déroulement du film est pertinente et plutôt amusante, je le signale parce que d'ordinaire je remarque peu les musiques dans ce type de productions.