Comme disait Joséphine Baker : « J’ai deux amours ». Pour Johnny Gray, cheminot de son état, il s’agit de sa locomotive (la fameuse « General ») et de sa fiancée (Annabelle)... un classement à faire dans l’ordre que l’on veut pourvu qu’il y ait l’ivresse ! Et d’ivresse des sens il sera question dans ce chef d’œuvre certifié conforme du burlesque.

Buster Keaton, qui aimait planter ses films au cœur de l’Histoire (avec un grand H), situa l’intrigue pendant la guerre de Sécession qu’il reconstitue avec la même minutie que ses gags. Un souci d’authenticité qui, comme toujours, le pousse à effectuer ses propres cascades en dépit du danger : qui aujourd’hui accepterait de prendre autant de risques assis à cheval sur la locomotive ?

Filmé en décors naturels, dans l’Oregon, avec moult détails jamais inutiles, Keaton ne se contente pas de produire une simple comédie mais se sert de chaque éléments des décors, des costumes, des accessoires pour organiser ces savoureuses péripéties. Comédie burlesque autant que film d’action (et à quel rythme !), toute cette machinerie bien huilée semble littéralement partir en vrille alors que le moindre geste est calculé, calibré, millimétré. Effets garantis. Plus encore que dans Sherlock Junior, le génie comique de Keaton atteint ici sa plénitude, sa perfection corporelle et formelle. Chaque particule de film sert ici des gags à géométries variables, parfois à vocation de destruction massive... et coûteuse : le « simple » plan du train qui s’effondre s’avérera même l’un des plus chers de l’histoire du muet.

Pierre Etaix, au comique gorgé d’humour "keatonien" (comme Jacques Tati pour qui il fut gagman), remerciera plus tard le film de n’avoir « pas pris une ride ». C’est peu de le dire. Des versions restaurées du Mécano de la "General" sortiront au fil des années, l’une des plus intéressantes datant de 2004 avec une bande son signée Joe Hisaishi, fidèle collaborateur des studios Ghibli et de Takeshi Kitano, cinéaste mutique au sourire aussi rare que le génial hurluberlu Keaton.
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le 17 déc. 2012

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