Keaton, Le machiniste aux commandes

D’abord considéré comme un échec par la presse et par le public, Le mécano de la "Général”, demeure pourtant, près d’un siècle après sa sortie, un véritable chef-d'œuvre du cinéma muet. Tourné en 1926, le sujet du film s’inspire étonnamment de faits historiques : “The Great Locomotive Chase”, à savoir le vol d’une locomotive pendant la guerre de sécession, dans l’Etat de Géorgie.

Chez Buster Keaton, la maîtrise du rythme, tant au niveau de la réalisation que de l'interprétation, est l'ingrédient le plus important de ses comédies. Ici encore, le génie créatif de Keaton est sans égal : tout est précisément calculé et millimétré... «Une bonne scène comique comporte souvent plus de calculs mathématiques, qu’un ouvrage de mécanique», déclarait-il.

Ajoutées à cela, les scènes d'action sur le train sont prodigieuses. Les cascades de l'acrobate Keaton sont toujours très impressionnantes, car sans artifice. Tout est filmé en état.
Buster Keaton pousse son rigoureux sens du détail encore plus loin, et exige notamment d'authentiques locomotives d'époque. Pas moins de six caméras seront nécessaires pour filmer le déraillement d'une de ces locomotives, qui deviendra la prise de vue la plus onéreuse de l’histoire du cinéma muet.

Buster Keaton confère enfin une maladresse si touchante à son personnage, que le charme opère du début à la fin. Ce monument du film muet, à la fois long-métrage d’aventures, d’amour et film burlesque, nous offre un excellent moment de cinéma.

Depuis la rénovation numérique du film en 2004, la bande originale est signée Joe Hisaishi et enregistrée avec les musiciens du Tokyo Philharmonic. Splendide pour ma part. Cette bande originale s'achève d’ailleurs sur une chanson "La ballade d'Annabelle et Johnnie", écrite par Georges Moustaki et interprétée par la comédienne Anna Mouglalis. Un régal.