Les mots sont le propre de l'homme. Quand Fabrice Lucchini est de la partie, ils ne sont jamais très loin, sous leur forme la plus ciselée ; convier en plus Patrick Bruel et vous avez une promesse de plus. Trop souvent une idée, même engageante, se délite peu à peu en raison d'un scénario trop approximatif, qui conduit parfois à l'écriture automatique et à l'enfilage de perles dont l'intérêt est inégal voire inexistant.
Dans Le meilleur reste à venir d'Alexandre de La Patellière et de Matthieu Delaporte, aucune dérive de la sorte. L'idée fondatrice est présente de bout en bout, le scénario charpenté et les mots à la fois joyeux et graves. D'abord joyeux puis peu à peu d'une plus grande gravité mais toujours mêlée de joie. C'est ainsi que le titre du film prend une première fois son sens.
Je n'ai jamais envie d'écouter très longtemps Lucchini et Bruel quand un micro leur est tendu. Ils ne sauraient être un sujet en eux-mêmes et le cabotinage m'insupporte, mais je me réjouis toujours de les voir, l'un comme l'autre, sur écran. Le plaisir augmente cette fois, quand les deux sont mis à contribution. Souvent, très souvent, ils ne s'effacent pas derrière les personnages qu'ils interprètent, mais aujourd'hui leur jeu est salutaire tant il nous permet de garder à distance cette saleté de cancer et aux deux réalisateurs d'éloigner tout pathos. Lucchini et Bruel servent l'argument du film et encore plus les mots qu'ils mettent à son service, ils le font en étant juste à point.
« Suite à un énorme malentendu, deux amis d’enfance, chacun persuadé que l’autre n’a plus que quelques mois à vivre, décident de tout plaquer pour rattraper le temps perdu. » C'est à quelques détails près le synopsis le plus répandu du film. Arthur/ Lucchini prête sa carte vitale à son ami César/Bruel pour quelques examens suite à une mauvaise chute. Appelé à récupérer les radiographies thoraciques de son ami qui sont donc à son nom, il apprend que ce dernier développe un cancer du poumon qui lui donne tout au plus six mois à vivre. Situation pour le moins inconfortable de celui qui doit annoncer à son ami sa mort imminente. D'hésitations en tergiversations, se mettent en place les ingrédients du quiproquo qui évite cependant de sombrer dans la comédie de boulevard friand de ce genre de situation.
Le meilleur reste à venir est une ode à la joie discrète autour d'un sujet grave qui s'installe peu à peu avec une délicatesse immense. J'ai beaucoup souri, très peu ri, mais j'étais parfois pris d'un grand éclat de rire... intérieur. Je n'ai jamais pleuré, ni même essuyé une larme incontrôlée, mais je me suis surpris à penser : « Ainsi donc, la grande faucheuse peut être tenue en respect et ne pas avoir totalement le champ libre ».
César mourra de son cancer et Arthur dira son oraison funèbre avec...des mots qui résonnent comme les clarinettes, trompettes et saxophones à la Nouvelle-Orléans en Louisiane quand les musiciens de jazz accompagnent un des leurs au cimetière et que la foule des amis ne peuvent s'empêcher d'ondoyer sur les rythmes joués.
La fin dans tous les sens du terme, fin de la vie, d'une amitié turbulente et du film ouvre la porte au meilleur qui reste à venir. Et le titre du film prend une nouvelle fois son sens.
Les mots, les mots...ils ont le pouvoir de transmutation, de changer le plomb en or.