Critique : Le Monde Fantastique d'Oz (par Cineshow.fr)

Peu après l’annulation de Spider-Man 4 en 2010, Sam Raimi acceptait la proposition de Disney de mettre en scène un prequel au monument cinématographique qu’est le Magicien d’Oz. Un projet finalement assez peu attendu pour ce véritable génie de la caméra qui avait entrepris une sorte de retour à ses amours d’origine, l’horreur, avec le très bon Jusqu’en Enfer (présenté à Cannes en séance de minuit la même année). Un choix d’autant plus risqué qu’il s’agissait d’une pure production Disney avant tout destinée aux plus jeunes, et donc de fait une pression du studio extrêmement forte pour rentrer dans un certains moule. Il y a 3 ans, Tim Burton s’y était déjà plus ou moins cassé les dents avec son Alice aux Pays des Merveilles, œuvre assez mineure et fondamentalement en décalage avec l’univers du cinéaste que l’on disait déjà à cette époque en franche perte de vitesse. Avec pourtant les mêmes producteurs qu’Alice (les trailers et l’affiche suffisent à le ré-affirmer au cas où nous l’aurions oublié), Sam Raimi s’est donc attelé à ce défi pour livrer une œuvre globalement de grande qualité même si peu marquante et anecdotique au sein de sa filmographie.

A la vue des bande-annonces, beaucoup de spectateurs avaient à juste titre commencé à craindre que cet Oz ne soit stricto-sensu une version alternative de l’univers d’Alice aux pays des merveilles. Les premières minutes suffisent à dissiper le doute puisque le film se révèle au demeurant beaucoup plus proche de la version de 1939 de Victor Fleming que du film de Burton. Une proximité dans le fond évidemment, mais aussi dans la forme puisque ce prequel reprendra la division en deux parties distinctes du récit, le monde réel jadis en sépia et aujourd’hui en 4/3 noir et blanc, et le monde d’Oz, coloré et bénéficiant désormais d’un format plein écran que les standards de l’époque ne pouvaient se permettre. Et cette similitude dans l’architecture générale du film n’a en aucune façon pour but de dissimuler un éventuel reboot (malgré la temporalité du récit se situant avant l’aventure de Dorothy) mais bien de répondre à la question « mais qui est le magicien d’Oz ». Comme Dorothy, Oscar Diggs dit Oz est originaire du Kansas et comme elle, il accédera à ce monde fantastique après avoir traversé une terrible tornade.

Une introduction qui permet à Sam Raimi de montrer à nouveau aux spectateurs tout son savoir-faire technique à travers la maîtrise parfaite de la gestion du format 4/3, du sublime noir & blanc mais aussi de la 3D, particulièrement belle car très réfléchie. Technicien hors pair, il livre avec cette première partie ce que le film comportera de meilleur car semble-t-il dénué de toute contrainte de production. L’effet est immédiatement attractif voire magnétique et la complémentarité James Franco / Zach Braff de ce premières minutes promet à cet instant quelque chose de grand, voire même de très grand. Une attente décuplée lors de la fameuse séquence en montgolfière préfigurant de l’arrivée sur Oz et qui n’hésite pas à employer quelques recettes du film d’horreur pour rendre le tout encore plus palpitant et complètement euphorisant. Car en plus d’être visuellement impressionnant, cette montée en pression fonctionne à plein régime jusqu’à ce que bouche bée, l’écran s’agrandisse pour nous dévoiler Oz en couleurs.

Les premiers instants sont fabuleux et conservent encore ce fameux écho au film de 1939 lors d’un mouvement de caméra circulaire autour de Diggs pour son premier regard sur ce nouveau monde. En même temps que le personnage incarné par James Franco, on découvre les immenses décors du pays d’Oz, un véritable régal pour les yeux pour peu que l’on y soit sensible (un univers qui peut tout à fait déconcerter car assez agressif, mais qui assure la cohérence avec le film d’origine). Malheureusement, c’est aussi à ce moment précis que film entame une légère pente descendante, la faute à un script très (trop ?) simpliste et à un manque d’ampleur notoire. Il faut rappeler qu’avez Oz, Raimi s’est prêté à l’exercice du scénario imposé, ici écrit par Mitchell Kapner (Mon Voisin le tueur 1 et 2, Roméo doit mourir…) et David Lindsay-Abaire (Rabbit Hole et Les Cinq légendes entre autre). Un scénario entièrement dédié au personnage de Diggs au détriment de tout ce qui fait le sel d’une véritable aventure, les personnages secondaires mais aussi les méchants, et en l’occurrence, les méchantes.

L’aventure de ce magicien de seconde zone, accueilli en héros et bien obligé d’aider les habitants du pays d’Oz pour toucher l’immense récompense, suit donc un chemin d’une linéarité parfois déconcertante qui brille ponctuellement grâce à des passages de pure poésie sublimés par la caméra de Raimi. On retiendra ainsi cette rencontre avec la poupée de porcelaine et de son recollage de jambes (en lien direct avec l’impossibilité d’aider la petite fille en fauteuil roulant du monde réel) ou la transformation de la sorcière. Dans ce passage, le réalisateur se laisse aller à ses meilleurs fantasmes horrifiques en proposant une scène extrêmement anxieuse, belle tout en étant effrayante, annonçant la création de la véritable opposante à Diggs. Une attractivité qui sera anéantie par la révélation quelques minutes plus tard de son vrai visage totalement raté et provoquant une sorte d’hilarité dans la salle. Un choix impardonnable qui matérialise assez bien l’aspect en demi-teinte du film, passant de l’absolument génial au franchement moyen, à l’instar également de quelques effets spéciaux parfois tout à fait limites où de scènes clairement en deçà du niveau attendu (l’arrivée au château de Glinda et sa mièvrerie peu acceptable étant certainement le pire moment du film).

Mais le plus regrettable de ce Oz est certainement le manque de charisme donné aux personnages interprétés par Mila Kunis et Rachel Weisz. Passionnantes, envoûtantes elles sont aussi les n émoins biecrites du récit alors qu’un traitement sans doute aussi fin que celui de Diggs aurait dû leur être réservé. Ce manque d’attention se ressent dans chacune de leur scène et les deux actrices ont beau faire leur maximum pour apporter de la profondeur à leur interprétation, tout cela sonne assez bien creux. Un vrai regret qui se voit exacerber dans le final visant à libérer la cité d’émeraudes par manque de répondant au personnage de Diggs. Cela n’enlève en rien à la qualité globale du long-métrage qui malgré tout, reste un divertissement de haute volée qui plus est chez Disney.

Mais Sam Raimi semble avoir été malgré l’intégrité qu’on lui connait contraint à quelques concessions. Il suffit pour s’en convaincre de regarder le début du film totalement libéré et inspiré et la fin bien plus conventionnelle et assez plate dans sa réalisation. En ce sens, Le fantastique monde d’Oz ne marquera probablement pas une étape importante de sa carrière mais une digression intéressante par le monde de Mickey. Clairement destiné aux plus jeunes qui seront probablement enchantés par ce spectacle assez intelligent (à défaut d’être surprenant), le film aurait sans doute gagné en intérêt si son scénario avait pu embrasser davantage de thématiques plus adultes et ne s’était pas contenté de suivre une direction toute tracée. Un regret presque compensé par une nouvelle prestation incroyable de James Franco qui n’a de cesse de confirmer après chaque rôle qu’il est certainement l’acteur le plus intéressant et le plus doué de sa génération. Entre Spring Breakers et Oz, l’écart est total mais le talent identique !
mcrucq
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le 4 mars 2013

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Mathieu  CRUCQ

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