Un ami m'avait fait connaître ce film, qui m'avait intrigué rien que pour ce titre assez mystérieux, "Le monde, la chair et le diable". Bien que je n'en comprenne absolument pas le sens maintenant que j'ai vu le film.
J'ai vu plus récemment que ça traitait de la vie après une apocalypse nucléaire, et comme je suis dans le post-apo en ce moment... évidemment je m'attendais pas à du Mad Max, mais ça m'a fait un film des 50's à voir, pour changer.


Ca ne tarde pas, dès la première séquence, alors que le film a débuté depuis même pas 2mn, un tremblement de terre survient et fait s'effondrer les parois d'une mine sur le héros, qui ne nous a même pas été présenté. Ce n’est pas une mauvaise chose forcément, c’est juste surprenant, car aujourd’hui on s’attendrait à plusieurs séquences d’exposition.
Ce pauvre bougre, un dénommé Ralph Burton, se retrouve prisonnier des décombres pendant plusieurs jours, et lorsqu’il parvient enfin à remonter à la surface, c’est pour découvrir que la population terrestre a complètement disparue, suite à une attaque nucléaire.
S’ensuivent de longues séquences où Ralph explore la ville fantôme qu’est devenu New York, il appelle, il crie son nom, … Je comprends qu’il faut rendre compte de la gravité des évènements, mais ça dure. Difficile, j’imagine, de trouver le bon équilibre pour rester crédible, ne pas faire accepter son sort au personnage trop facilement, mais sans ennuyer le spectateur.
Par contre, certains plans présentant ce monde abandonné sont relativement impressionnants : rues désertes, véhicules délaissés par centaines, ...
Un petit mot au passage sur la mise en scène : hormis quelques idées marquantes, elle reste plutôt effacée. Dans cette séquence où Ralph est coincé sous terre par exemple, le plan reste longuement fixe sur lui, mais l'acteur arrive juste par son jeu à véhiculer un sentiment de désarroi croissant.


Finalement, Ralph commence à reconstruire sa vie, et trouve une autre survivante.
Les inquiétudes s’effacent par moments, ils parviennent à s’amuser. Le film alterne de façon assez déstabilisante les scènes à l’esprit léger avec celles où l’on en revient à des considérations plus sérieuses.
Mais en fin de compte, alors que la plupart des fictions post-apos sont axées sur des questions de survie, Le monde, la chair et le diable prend une direction bien différente, affichant presque délibérément un désir de se détourner des préoccupations habituelles (la découverte d’autres survivants, dont on n’entendra finalement plus parler).
Plutôt que de vivre ensemble, Ralph et sa nouvelle amie, Sarah, vivent en tant que voisins, et gardent une relation distante, pleine de formalisme. Ils se rendent visite de temps à autres, et alors que Sarah propose un jour d’habiter avec lui, Ralph refuse. "People would talk", répond-t-il ; une réplique qui pourrait passer pour une blague de sa part mais qu’il prononce avec sérieux.
Il faut savoir que c’est Harry Bellafonte, acteur noir, qui interprète Ralph, le rôle principal, 4 ans seulement après le fameux incident avec Rosa Parks. Chose déjà audacieuse de la part du film.
Alors quand Ralph prononce cette réplique que j’évoquais, on se demande s’il s’agit pour lui d’un problème de race, car pendant un certain temps, ça n’est pas exprimé clairement ; les personnages sont seuls au monde, mais demeurent gênés par un tabou qui a été établi, et perpétué, par des gens qui ne sont plus là.
Ca pourrait sembler absurde de la part des personnages, et un en sens ça l’est, mais qu’on en fasse l’une des problématiques principale du film, c’est à la fois audacieux et brillant.
J’étais quand même agacé, ou plutôt frustré, par le fait que les protagonistes se tournent autour, sans jamais se permettre de faire un pas en avant.
Ralph ne s’autorise même pas à s’asseoir à table avec Sarah, lorsqu’il lui organise un dîner d’anniversaire. J’avais envie de lui dire "Allez, ça suffit !" ; il s’exclut de lui-même, à cause d’interdits ancestraux, encore plus dépourvus de sens maintenant qu’il n’y a plus personne d’autre sur Terre. Le personnage est, forcément, opposé au principe de ségrégation, mais il en porte sûrement encore trop profondément les marques.
Mais en se tenant à l’écart de Sarah, qui l’apprécie clairement, il fait abstraction de son avis et de ses sentiments. C’est là qu’apparaît l’autre thématique importante du film : la place de la femme à cette époque. Et c’est vrai que depuis son apparition, ce personnage féminin sait s’imposer, et est sur un pied d’égalité par rapport aux hommes. Là aussi, Le monde, la chair et le diable se démarque. Pour référence, la même année, on avait Certains l’aiment chaud, où Marilyn Monroe reprenait son éternel rôle de cruche dont seul le physique importe.


Le film de Ranald MacDougall ose beaucoup, mais forcément, toujours compte tenu de l’époque, il y a une limite à ce qu’il pouvait se permettre. A cet égard, la fin est très décevante. Et elle ne fait pas sens.
En dépit de cela, c’est un film très intéressant pour les questions qu’il soulève, et que je recommande d’autant plus fortement qu’il ne me semble pas si connu que ça.

Fry3000
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le 16 sept. 2015

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Wykydtron IV

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