LE MUSÉE DES MERVEILLES (13,9) (Todd Haynes, USA, 2017, 116min) :
Cette charmante storytelling conte les fugues de Rose et Ben, deux enfants sourds à des époques différentes (1927 et 1977), sous la forme d'une fresque initiatique où les deux adolescents partent à la recherche d'une superstar d'Hollywood pour la fille et en quête de retrouver la trace de son père, pour le garçon. Todd Haynes revient deux ans après le sublime et émouvant Carol (2015) avec un véritable conte hymne à l'enfance et à la différence. Le cinéaste livre comme à son habitude une magnifique mise en scène élégante et bricoleuse (superbe maquette de la ville de New York du Queen's Museum), alternant de manière symétrique les vies parallèles dans un noir et blanc pastiche du muet pour les années 20, par le biais de vignettes malicieuses (pas toujours utile à la progression dramaturgique) et avec un décor plus travaillé, un peu vintage, pour illustrer les années 70 enveloppé dans le grain de la pellicule 35mm. Le metteur en scène décline lentement un récit un peu laborieux hommage à l'enfance et au cinéma (du muet au parlant) où les routes des protagonistes vont finir par se croiser, à travers une narration assez démonstrative et aventureuse sur les liens familiaux avec une fétichisation méticuleuse de l'objet. Le cinéaste brille une nouvelle fois dans ses compositions de plans, de véritables tableaux, mais cette fois son maniérisme nous laisse parfois trop à distance de l'émotion une grande partie du film, où il faut attendre les 20 dernières minutes pour que l'histoire nous attrape le cœur, tout en évitant un dénouement trop mièvre. Une œuvre à hauteur d'enfant sur l'art de la perception des deux enfants, avec notamment un brillant travail sonore, avec des ruptures de tons musicales utilisées à bon escient (le titre "space odity" de David Bowie) et un visuel très riche incarnant les sentiments de peur, émerveillement et d'isolement ressentis par les deux enfants malentendants. Cette expérience sensorielle "arty" laisse trop souvent le spectateur en apesanteur, comme sur un fil, malgré son thème généreux fédérateur et ses plans d'errances new-yorkaises les yeux levés vers le ciel pour trouver la bonne étoile. Le fil ténu de l'intrigue tient grâce à la foi au Dieu cinéma, un montage savamment dosé avec des transitions d'époques bien amenées et une somptueuse bande originale symphonique de Carter Burwell et des pop songs faisant signes, comme contrepoint d'un langage manquant. Un long métrage formaliste ambitieux mais humble, qui s'appuie sur des acteurs convaincants (Oakes Fegley, Millicent Simmonds et Julianne Moore), et convoque également l'esprit de candeur de "Papa Spielberg", par rapport à l'innocence, la survie de l'enfance et son exploration psychologique. Venez visiter ces galeries intimes, où les trajectoires individuelles se rejoignent sous la voûte étoilée, à travers une singulière visite vers Le Musée des merveilles. Tendre. Beau. Cosmique. Juste touchant.