1974 ou l'année des pleins pouvoirs pour Ford Coppola. Alors responsable du plus grand succès de tous les temps, Coppola a été sommé de créer une suite au Parrain. Ne la jugeant pas nécessaire, il a fait sciemment monter les chiffres afin que la Paramount se décourage de le payer une fortune.
Contre toute attente, Coppola a été payé une fortune (plus que n'importe quel réalisateur à son époque, et même davantage que tous ceux qui participeront au film!), mais a bénéficié d'une liberté totale, comparé au premier volet du Parrain, mais en a aussi profité pour inclure le financement de Conversation secrète dans la besace.


Bien lui en a pris, car Le Parrain, deuxième partie, est un film extraordinaire, à la fois déroutant dans sa narration, dans le contexte de l'époque, d'une grande noirceur, extrêmement pessimiste même, et qui reste encore et toujours ce que j'ai vu de mieux au cinéma depuis que j'ai plongé dans la cinéphilie.


Reprenant une partie du livre de Mario Puzo, Coppola a crée cette suite avec une histoire en parallèle, avec d'une part la jeunesse du futur Vito Corleone au début du XXeme siècle, et comment il est devenu le parrain, et d'autre part, (à la fin des années 1950) la montée en puissance de son fils et nouveau Don, Michael. Ce dernier dirige la Famille d'une main de fer, au point de provoquer de graves troubles dans ses affaires et au risque de détruire sa famille.


C'est bien simple ; le film dure plus de trois heures, j'ai bien dû le voir des dizaines de fois, je n'ai jamais vu une histoire aussi limpide, mais qui est en fait assez complexe.
Dès l'enfance de Vito, la vie des Corleone est placée sous le signe de la violence ; en Sicile, son père et son frère se font tuer par le Don local, et sa mère, voulant le protéger, meurt sous ses yeux. Celui-ci n'aura d'autres choix que de fuir, et en Amérique, afin de faire une vie d'immigré et de fomenter une future vengeance contre celui qui lui a tout pris.
Dans l'histoire dite actuelle, Michael doit faire face à la justice et à des soupçons d'illégalité, aidé en cela par son consigliere Tom Hagen, mais doit aussi gérer son frère ainé Fredo, qui lui reproche de n'être rien à ses yeux, sa sœur qui souhaite se remarier, et son épouse qui étouffe dans cette cage dorée.


Le Don Corleone jeune est incarné par Robert De Niro, qui parle uniquement en italien ; toutes les scènes du passé, que ce soit en Sicile ou à New York, sont uniquement en italien, ce qui fut quasiment du jamais vu pour un film de ce calibre. Sa performance y est magnifique ; il va jusqu'à reprendre les mimiques que l'on voyait dans le premier volet du Parrain, lorsque le rôle du Don était incarné par Marlon Brando. Cela passe par des gestes, la voix éraillée, ou plus surprenant, par le menton légèrement mise en avant. Mais c'est un travail d'incarnation inoui, où loin de tout mimétisme, De Niro crée aussi son propre caractère, car le Don que l'on voit est déjà caractériel, assez taciturne.
Au présent, on retrouve tous les acteurs du premier Parrain ; si je dois parler de John Cazale (dont sa faiblesse me touche beaucoup), de Diane Keaton (qui a un côté poupée de porcelaine prise entre les crocs d'un lion), ou de Robert Duvall (un de mes acteurs préférés, que dire de plus?), Al Pacino y est incroyable ; seulement deux ans ont eu lieu entre le tournage des deux films, et il apparaît comme métamorphosé. Du frêle jeune homme des débuts, il est passé à un stade d'homme d'affaires implacable, avec du sang sur les mains, et n'hésitant pas à supprimer ceux qui sont en travers de son chemin. Y compris avec les membres de sa propre famille.


D'ailleurs, le final complètement tragique du film est ce que j'appelle du grand Art, avec une montée en puissance dans l'horreur, avec une scène ressemblant étrangement au meurtre de Lee Harvey Oswald (l'assassin présumé de JFK), la mort de Frankie Pentangeli, et plus grave encore, celle de Fredo, qui mourra assassiné sur les ordres de son frère cadet.
Tout cela dans une mise en scène fantastique, et en parfait accord avec la musique de Carmine Coppola, et Nino Rota qui suggère une montée dans l'horreur.


Le montage alterné avec l'évolution de la carrière de Vito Corleone puis de Michael cinquante ans plus tard laisse suggérer une hérédité dans la violence induite par le système mafieux qu'ils adhèrent, mais différent dans le but. Si Vito va devenir Don, c'est pour sa famille, car il est né sous le signe de la violence. Michael crée son empire sur les ruines du passé paternel, et use de la violence, mais également de la vengeance, tout comme son père. Car quoi qu'il en coute, seul l'honneur compte pour les Corleone.


Je n'oublie pas la photo de Gordon Wilis, qui caractérise l'époque de Vito par des couleurs dorées, comme si le soleil de Sicile restait présent dans le New York des années 1920. Quant à l'époque actuelle, il la filme de manière très sombre, comme pour signifier l'emprise quasi-maléfique qu'a Michael Corleone sur son entourage.


Pour finir, je reviens sur une des dernières scènes, qui est un flashback (où apparaît James Caan) où la famille Corleone est à table en attendant le retour du Parrain, et avec un jeune Michael, sur le poitn de partir à la guerre, ce qui consternera Sonny.
A l'origine, Marlon Brando devait apparaître dans la scène, après avoir ouvert une porte. Les négociations n'ayant pas abouties, Coppola a imaginé un autre plan où sa famille le rejoint à l'entrée, laissant Michael seul à la table, l'air pensif, se sentant probablement exclu de cette famille dont il sera malgré lui le futur Don Corleone.
Cette scène est magnifique, car elle travaille aussi sur le hors-champ, avec la présence possible du père, et aussi sur la solitude de Michael, alors perdu à la fois dans ses pensées et dans sa famille.


Le film se conclut par ce que j'appelle le plus beau plan du cinéma ; Michael Corleone, assis sur une chaise, réfléchir le poing devant lui, qui doit à la fois penser aux drames qu'il a accomplis, l'air autant perdu et pensif que dans le flashback précédent. Avec une durée qui agit à la fois comme le poid des péchés de Michael Corleone, roi dans un désert.


C'est un des seuls films dont je peux dire qu'il est parfait à mes yeux ; j'y vois de très grands acteurs, une mise en scène magnifique, la technique au diapason, et une histoire qui me bouleverse à chaque fois sur la destinée d'un petit garçon, futur oprhelin sicilien, qui donnera naissance à un empire, le léguera à son fils, qui laissera derrière lui un champ de ruines.
Coppola ne s'est d'ailleurs pas trompé en faisant Le parrain, deuxième partie ; non seulement, le succès a été là (mais moindre que le premier volet, la faute à une narration inhabituelle pour l'époque), mais aussi pour Conversation secrète, mais lui permis de remporter six Oscars, avec deux films nominés la même année, ce qui est rarrissime !


En somme, c'est à mes yeux ce que j'ai vu de mieux depuis …. toujours !

Boubakar
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le 22 nov. 2013

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Boubakar

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