13 mai 1958 : portrait d'un milieu de terrain

Le Petit Soldat - second long métrage de Jean-Luc Godard - est un vrai-faux film politique : vrai dans la mesure de son contexte historique, faux dans son ambiguïté et son impartialité morale. Moins politique que philosophique - le drame d'espionnage qu'il représente remet en permanence en question les convictions idéologiques ambiantes de bâbord à tribord - Le Petit Soldat présente son protagoniste comme l'éventuel alter-ego du cinéaste : Bruno Forestier ( la présence de Michel Subor, superbe, évoque beaucoup l'allure ombrageuse du Maurice Ronet du futur Feu Follet ) reporter-photographe et libre-penseur épris de bons mots, d'instantanés féminins et de vérité. C'est beau et abstrait comme un film de Robbe-Grillet, éthéré comme un roman de Sartre, moderne - de fait - comme un Godard...


Apparition fulgurante de Anna Karina dans le monde du Cinéma ; chevelure bergmanienne, dentition danoise, regard composé de deux yeux gris cernés Vélasquez : naissance d'un muse, beauté européenne, AK rime atout et à rien. L'innocence des sixties conjuguée à la terreur politique des dernières heures de la France coloniale, le tout sur le territoire neutre d'une Suisse insulaire, autarcique et attentive dans le même temps. 5ème République : Le Petit Soldat multiplie ses formes, ses idées, ses jeux de langage, ses musiques, ses photogrammes jusqu'à leur inédite pureté. Pas d'images seules, seulement des images. Karina et Subor bouleversants de sex-appeal intellectuel...


Sinon on se délecte de l'écriture du Petit Soldat, Godard montant et dé-montant le langage littéraire sans jamais perdre de vue ses acteurs. Voix-off de Michel Subor magnifique, directement héritée des balbutiements géniaux du Poiccard-Belmondo de A bout de Souffle. Il y a des gros plans, des panoramiques alertes, on parle grande musique et peinture contemporaine. Un métrage passionnant, pas toujours évident certes, honteusement censuré, certes. Hainement. Un film exsangue, brillant de style et de poésie, serti d'aphorismes irremplaçables, passionnants, somptueux. Tout Godard, encore et déjà, dans Le Petit Soldat...

stebbins
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le 11 janv. 2020

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stebbins

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