Il fut un temps où Michel Hazanavicius aimait se lâcher au cinéma.
L’art au service de la déconne, la déconne au service du plaisir, le plaisir au service du cinéma et – accessoirement – au service des spectateurs…


Et puis il est arrivé une tuile à l’ami Haza…
On lui a balancé des statuettes à la figure et depuis plus rien ne va…
Maintenant Michel n’est plus le même.
Il se dit à présent que s’il fait du cinéma c’est dans l’espoir qu’on lui balance à nouveau des statuettes à la figure.
Donc depuis cette année tragique de 2012, Haza pense en termes de « grandes causes », de « grandes figures », et d’« équations académiques » plutôt que de penser en termes de « déconne » et franchement je trouve que ça ne lui réussit mais alors pas du tout…


Ainsi, après un « The Search » aussi barbant que convenu, voilà maintenant qu’il s’attaque à Godard…
Mais pourquoi franchement ?
Ah oui ! C’est vrai ! Godard est une grande figure « in » des grandes académies aussi bien d’un côté de l’Atlantique que de l’autre !
Quelle pourrait être l’autre explication ?
…Alors certes, il y aurait bien aussi cette autre explication qui pourrait tenir la route : celle qui dirait que le sympathique Michel a fait un film sur Godard tout simplement parce qu’il adore Godard.
Soit. Ça pourrait.
C’est peut-être même le cas.
Mais bon, si c’est le cas, franchement, bah ce n’est pas du tout ce qui se voit à l’écran.


Ce « Redoutable », je l’ai même carrément trouvé gênant tant j’ai eu l’impression de voir un auteur se débattre constamment avec son propre sujet.
D’un côté, Haza nous dépeint le personnage avec beaucoup d’admiration et de respect, et de l’autre il s’efforce sans cesse de se raccrocher à la réalité de Godard dans ce qu’elle a de plus détestable, odieuse et insupportable…
Pour le coup, je ne peux m’empêcher d’y voir une démarche paradoxale où un film nous invite à aimer un héros par convenance tout en passant son temps à le détruire par honnêteté.


Et le pire c’est que ça se ressent dans tous les aspects formels du film.
Toutes les deux ou trois minutes, Haza essaye de faire son cinéma en jouant des codes de cinéma, en s’efforçant de trouver de bonnes idées de mises en scène ou bien tout simplement en s’amusant de mises en abyme qui tournent ce spectacle joyeusement en ridicule… Et c’est chouette !
Mais tout ça retombe toujours tout de suite derrière, noyé par cette mécanique sentencieuse que semble imposer le sujet.


Au final, je trouve le résultat désolant.
Désolant parce que totalement artificiel et bancal.


La seule scène dans laquelle j’ai trouvé quelque-chose d’intéressant est celle du débat dans la voiture de retour à Cannes.
Le propos comme le montage donnent une image absurde de cet univers qui gravite autour de cet auteur incapable de tenir une conversation posée sur le cinéma ; tout le temps bouffé qu’il est par ses réflexions politiques postpubères.
La mécanique d’alternance entre moments calmes et saillies verbeuses sombraient dans un burlesque qui, pour le coup, rendait vraiment service à l’art de Hazanavicius.


...
C’est d’ailleurs là que je me suis rendu compte à quel point ce film aurait pu être chouette si l’ami Michel avait su aller jusqu’au bout de sa démarche en osant aborder le personnage de Godard comme jadis il avait osé aborder le personnage d’OSS 117.
Quitte à montrer tous les sales côtés du bonhomme, autant le faire sur le ton de la farce ; autant le transformer en caricature ambulante (qu’il était de toute façon) !
Certes, cela aurait été acerbe et moqueur, mais au moins cela aurait été sympathique et peut-être même presque touchant.
On se serait dit « c’était quand même un gros con ce Godard, mais bon d’un autre côté c’était quand même un sacré phénomène quand on y pense ! »
Pour le coup, ce genre de démarche là – oui – là ça aurait été culotté et – surtout – efficace.


Mais bon… A croire que la culture du fun est un lointain souvenir désormais pour l’ami Haza…
Parce que bon : oser nous servir sa triste romance vue mille fois sur des vieux relents de drame, moi je trouve ça quand même assez pathétique pour le gars…
D’ailleurs je ne vais même pas aborder les quelques questions qui fâchent comme le jeu d’actrice lamentable de Stacy Martin, le running-gag abominable des lunettes cassées ou bien encore la représentation molle du slip de Mai 68, parce que là, pour le coup, ce serait tirer sur l’ambulance et – clairement – le sympathique Michel ne mérite pas ça…


Seulement voilà d’un autre côté moi non plus je ne méritais pas ce « Redoutable » là.
Qu’on ose me prendre le génial auteur des « OSS » et de « La classe américaine » pour m’en faire un petit soldat du régime en place, moi ça me flingue…
Mais bon… C’est l’air du temps.
Donc autant se taire et subir…
Que voulez vous…
C'est ainsi que va la vie, quand vos auteurs tant aimés perdent la tête pour des statuettes....

Créée

le 20 sept. 2017

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