Michel Hazanavicius s'affirme avec le Redoutable comme le maître de la dérision cinématographique. Après un OSS 117 un peu facile, qui s'attaque au héros de cinéma le plus caricaturé sans doute, puis The Artist, avec lequel le réalisateur avait remporté le pari de nous servir un film muet grand public, ce n'est ni plus ni moins vers la nouvelle vague que celui-ci se tourne. Ici, les obstacles sont tout autres. Il ne suffit plus de diriger un Jean Dujardin hilare ou de maîtriser les émotions du spectateur sans s'appuyer sur les dialogues, il s'agit de s'attaquer au maître du cinéma français, peu critiqué, car peu critiquable. L'entreprise est ambitieuse et elle aura sans doute décidé de l'opinion négative de certaines critiques avant même le visionnage.
Pourtant, quand Michel Hazanavicius dresse un portrait de Jean-Luc Godard, il faut bien comprendre que l'objectif n'est ni de lui rendre hommage, ni de prétendre à un chef d'oeuvre qui égalerait leS sienS. L'apparence peut être en effet trompeuse, là où un OSS 117 et un The Artist ont pu faire mousser le cinéma français, le Redoutable décide au contraire de tirer gaiement dans la fourmilière.
Pour obtenir un regard décalé, rien de mieux que de se placer dans un contexte décalé. C'est ainsi que l'intrigue se déroule non pas au temps des chefs d'oeuvre du maître, mais dans une vie quotidienne mouvementée par les événements de mai 68. Cet épisode historique, agrémenté d'une histoire d'amour qui piétine, sert alors d'alibi parfait pour explorer le cinéma de Godard... à travers Godard lui-même. Scènes lentes, décor des années 60, discours révolutionnaires, le réalisateur nous replonge talentueusement dans l'époque, et ne recule devant rien : clins d’œils plus ou moins réussis et caricatures plus ou moins légères.
Je ne dirai pas que ce film est une vraie réussite car il lui manque à mon sens un petit quelque chose, sans doute un choix entre toutes les ambitions du réalisateur. Le caractère un peu hétéroclite du résultat lui donne certes un avantage : lorsque le scénario s'emmêle, on est rattrapés par un running-gag, lorsque l'on commence à se lasser, on est surpris par une scène improbable. D'un autre côté, on se sent parfois pris au piège de cette étrange fable où l'on a peine à savoir où le réalisateur nous emmène, et s'il vaut mieux rire ou rester sérieux.
Mais après tout, ce n'est pas parce que Michel Hazanavicius prend Godard pour cible qu'il faut lui attribuer plus de qualités qu'il n'en n'a. Tout comme ses précédents films, le Redoutable est à la fois divertissant, délirant, cinématographique, potache, et surtout grand public.
Reste à savoir si le choix de la nouvelle vague, hautement risqué pour plaire aux sphères éclairées du cinéma français tout comme au spectateur lambda né après les sixties, pourra une fois de plus convaincre critiques ET grand public.
Pour ma part, je n'en fais rien de plus qu'un must have de ma cinémathèque à revoir les jours de dimanche pluvieux.