Le duo Hazanavicius/Dujardin commence à nous manquer. Il s'agit de ce genre d'osmose de talents qui survient rarement au cinéma. Lorsqu'ils collaborent ensemble, ils font des merveilles mais chacun de leur côté... C'est plus compliqué.
(Quoi ? Ils ont annoncé OSS 3 ? Habile !)
Contrairement à beaucoup, j'avais trouvé que the Search possédait pas mal de qualités et on peut saluer la prise de risque d'Hazanavicius sur ce projet diamétralement opposé à ce à quoi il nous a habitué.
Il faut croire que rien ne l'effraie ce Michel, parce qu'il a beau revenir à la comédie vintage, il va nous parler cette fois d'un géant de la Nouvelle Vague : Godard. Adulé par les professeurs vétérans des facs de cinéma et par les bobos parisiens vegans, Godard est un monstre sacré du cinéma français, aussi mystérieux qu'intouchable, aussi passionnant que redoutable...
Une fois de plus, l'occasion pour Hazanavicius de montrer son amour du cinéma est parfaite ; en se réappropriant la mise en scène si caractéristique de Godard, il réalise un bel hommage au cinéaste. Certains plans sont réellement inspirés (lorsqu'on le découvre sur le tournage de la Chinoise et qu'il essaie d'atteindre Anne Wiazemsky par-delà la caméra qui passe entre eux. Ou encore ce long travelling sur fond de tags révolutionnaires...) et comme dans the Artist, le cinéaste adapte sa mise en scène aux codes filmiques de l'époque qu'il traite. Aussi, la superbe photo de Guillaume Schiffman agrémente le film d'un aspect à la fois pop et cinéma-verité.
Mais contrairement à OSS, le film n'est pas un pastiche. Une ironie douce traverse les plans, certains dialogues se veulent légers, le quatrième mur est souvent brisé mais Hazanavicius parle ici de l'histoire vraie d'une femme qui se retrouve prisonnière d'un mari égocentré et possessif... Moyennement fun ! Du coup on a le sentiment qu'il ne sait pas sur quel pied danser, on ne rigole jamais franchement (à part l'engueulade des 5 amis dans la voiture, étirée et embarrassante à souhait) et on ne pleure pas non plus.
Le problème vient selon moi du personnage de Godard. Il est ici dépeint comme un homme imbus de lui-même, complètement irrationnel dans le dernier tiers du film. Ok, peut-être que c'était le tempérament du cinéaste mais il manque quelque chose pour le sauver et susciter l'empathie. Rapidement, Godard est juste usant -le zozotement n'aide pas- il est rejeté de tous, à raison, seule Anne reste auprès de lui envers et contre tout. Par exemple, the Social Network arrivait à rendre ce genre de personnage attachant en montrant que Zuckerberg avait conscience de son antipathie et que malgré sa victoire pour posséder un réseau social mondial, il avait perdu la seule qu'il aimait.
On a donc à travers le Redoutable un bel hommage au cinéma de Godard mais un portrait disgracieux, trop caricatural du cinéaste. Cela aurait fonctionné pour un pastiche mais comme je l'ai dit plus tôt, l'ambition du film est plus profonde que ça. Godard est un personnage public difficile à cerner et Hazavicius aurait gagné à l'humaniser ou pourquoi pas, brouiller les pistes sur ses intentions (comme Andy Kaufman dans Man On The Moon) pour jouer sur la mystification du cinéaste.