Hollywood n'a rien inventé ; les rebondissements dopés au suspense, les grandes épopées judiciaires... Martin Guerre y arrive très bien. Dans cette histoire où le moindre détail est un spoiler, Depardieu dévoile un autre potentiel de son jeu habituel aussi inamovible et solide qu'un menhir ; dans la dualité de ses qualités d'acteur et de personnage public, il va puiser celle qui va faire de lui un imposteur (je parle bien sûr de son personnage). Dans l'enquête historiquement exacte dont l'abondante documentation a servi de script à ce film, il va être le rouage d'une machine infernale raffinant l'équilibre : celui de la crédulité du spectateur, floué de bout en bout, qui n'aura d'autre choix que de croire ce que le régisseur veut bien qu'on croie. C'est vrai, c'est faux, c'est autre chose... Et si cela semble trop mouvementé pour être vrai, il suffit de se rappeler que c'est une histoire vraie.
Dans cette reconstitution à échelle guédelonesque d'un village entier, la parole est d'or, et on a l'humble impression de comprendre ce qui nous a amené du Moyen Âge à aujourd'hui rien que par les mots tapissant l'histoire et définissant la justice, l'intérêt, la solidarité. Le dialecte des acteurs, un peu trop subtilement modifié, permet, au contraire d'une musique anachronique et bizarre, de s'immerger dans une fresque entière et pénétrante, quoiqu'un peu trop romanesque. Des accrocs qu'on retrouve dans d'autres œuvres dont l'usure est jugée à la hauteur de la finesse, comme si cette œuvre, à tous égards, était la pellicule de Bayeux.
Quantième Art