Après la prodigieuse décennie des années 80 (Stardust memories, Zelig, La rose pourpre du Caire, Hannah et ses sœurs…) Woody Allen a connu une inspiration en dents de scie. Son grand retour étant marqué par le sublime « Match point » il y a deux ans, on pouvait espérer que son dernier opus retrouve cette veine. Ce n’est pas le cas, mais il ne faut toutefois pas bouder ce plaisir car « Le rêve de Cassandre », contrairement à ce qu’en dit la presse, pas toujours inspirée elle non plus, est plutôt bon. Certes il manque ici la touche Allen, ce petit côté acidulé qui vient piquer de subversion et d’humour ses meilleures œuvres. Le récit est très ou trop linéaire, sans réelle originalité d’autant plus que la trame des deux frères « maudits » est d’inspiration littéraire, « les frères Karamazov » ne sont pas loin. Allen ne retient ici que deux personnages de la fratrie tout aussi symboliques d’une société en panne de moralité. L’un se perd dans les jeux d’argent, l’autre mythomane avéré. Si l’on excepte le traitement psychologique trop appuyé des protagonistes à la logorrhée parfois ennuyeuse le film révèle une puissance phénoménale dans le drame qui est commandé dès le début. La part belle est faite ici à l’interprétation et à ce niveau là, nous sommes comblés. Parce que Colin Farrel a rarement été aussi juste, émouvant et terriblement enfantin provoquant de suite l’empathie à laquelle vient s’opposer la machiavélique prestation d’Ewan Mc Gregor. Tous les deux donnent au récit une profonde véracité bien réjouissante. Si « Le rêve de Cassandre » n’est pas le meilleur des Allen, il faut bien préciser qu’il se situe bien au dessus de productions fumeuses auxquelles nous avons souvent droit ces derniers temps.