Quand on a vu un film des dizaines de fois, on ne sait plus vraiment si on l'aime parce qu'on le connaît par coeur ou parce que le film est strictement très bon. C'est pourquoi je peux affirmer, maintenant que j'ai vu (pour la première fois) Le Retour du roi en version longue, que le film est strictement excellent. Mais je le connais aussi par coeur donc bon...


Comme pour tous les films dans lesquels je suis dans cette situation, je ne saurais par où commencer pour exprimer tout ce qui fonctionne ici... Mais quelle meilleure définition qu'un chef d'oeuvre qu'un film qui vous happe (ici durant 4h20 !), qui vous immerge entièrement dans son univers à tel point que vous ressentez la moindre émotion de n'importe quel personnage ? d'un film qui vous fait pleurer quand les Rohirrims chargent en criant "DEAAAATH", qui vous scotche avec les plus belles scènes de bataille de l'histoire du cinéma, d'un film qui restitue magnifiquement le plus grand des univers fantastiques jamais imaginés ?


Depuis tout jeune, lorsque je passais absolument tous mes mercredi après-midi à me refaire la trilogie, je peux dire exactement ce qui me passionne dans ces films : c'est la beauté des elfes, cette grâce et l'élasticité de Legolas chevauchant un bouclier comme il escalade un Mumakh, ou cet onirisme qui se dégage de Galadriel, femme-elfe ultime, incarnation de l'immortalité et de la pureté d'une race condamnée à quitter la terre des Hommes, que Peter Jackson n'aurait jamais pu mieux réincarner ; c'est ensuite l'esprit de camaraderie, de communauté, qui s'incarne bien sûr dans chaque membre de la communauté, mais aussi dans chaque petit (ou grand) duo : on aime l'amitié entre Gimli et Legolas, tantôt espiègle et rivale, tantôt franche et sincère, d'autant plus qu'elle est constamment montrée comme étonnante mais nécessaire; on aime l'amitié amusée entre Pippin et Merry, et les running gags sur leur goinfrerie sont très maîtrisés ; on aime surtout le lien qui unit Frodon et Sam, véritable colonne vertébrale du film, qui, après revisionnage, fait vraiment la part belle à ce personnage pas si secondaire que cela, solide dans toute situation, confiant et optimiste, en fait le compagnon de route parfait. C'est aussi cela la force de ce film : avoir su représenter exactement et dans les proportions les plus adéquates la majeure partie des thèmes qu'il s'engageait à entreprendre. Pêle mêle, on aime aussi l'écriture de certains personnages, versant par exemple dans la protection paternelle (ce grand-père que représente Gandalf, ou Aragorn, père de tous les Hommes) ou dans la tragédie shakespearienne (Dénéthor pleurant la mort de son fils aîné favori Boromir et reniant totalement son cadet Faramir, celui-ci finissant par se sacrifier pour apparaître digne aux yeux de son géniteur).


Les gigantesques moyens engagés par Peter Jackson nous permettent aussi d'apprécier la reconstitution des paysages (à tel point exceptionnelle qu'elle donne lieu à des circuits touristiques en Nouvelle-Zélande à elle-seule !) : la Terre du Milieu nous apparaît dans ses plus belles incarnations, que ce soit les collines verdoyantes de la Comté, les champs arides du Pellenor, la forêt dense de Fangorn, les rivages menant à Valinor, les souterrains de la Moria... Le film est une mosaïque inépuisable d'inspirations paysagères.


Enfin, et ce qui a déjà été brièvement abordé doit être amplement développé, Le Retour du Roi, c'est presque 2h de batailles à couper le souffle. Certes, on ne retrouve pas la finesse et le rythme parfait du Gouffre de Helm. Mais la bataille des champs du Pellenor a le mérite de l'intensité et du rythme tragique dans lequel elle s'insère : face à une cité aussi belle que Minas Tirith, fondue dans la roche blanche, des dizaines de milliers de monstres en rangs serrés se dressent, aidés d'Hommes du sud et de leurs montures gargantuesques. Le siège est cruel et violent, et tout le récital de la guerre médiévale y apparaît (catapultes, trébuchets, jeux d'intimidation, tours de siège, etc.) Ce qui peut apparaître comme une évidence n'en est pas une : Jackson n'a pas lésiné sur les moyens et souhaite rendre l'exactitude d'une guerre en Terre du Milieu. L'espoir renaît à l'est lorsque les Rohirrims chargent à l'aube, permettant notamment à Eowyn, dame du Rohan constamment reléguée aux affaires de cour, de prouver sa bravoure au même titre que tous les chevaliers et soldats.


Il y a tant de choses à dire sur ces films. Et je ne pardonnerai jamais à l'exposition de 2019 de la BnF sur l'oeuvre de Tolkien de n'y avoir pas même consacré une aile. On ne peut imaginer s'immerger dans l'univers de Tolkien si on ne passe pas par les films : il y a de nombreux oublis, et certains traits ont été pervertis par ce que les films en ont proposé. Mais que dire d'une expérience dans laquelle on est content qu'il reste 3h30 de film alors qu'on vient d'essuyer des scènes déjà si intenses ? Pourquoi se plait-on à haïr ce Gollum si laid et si perfide ? Le Seigneur des Anneaux reste une production totale, qui, près de 20 ans plus tard, fait date dans le cinéma d'aventure.

Alexandre_Gauzy
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le 27 juin 2020

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Alexandre G

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