(...) C’est le rapport inhabituel entre ces deux hommes qui a intéressé le réalisateur. On assiste à l’histoire d’un syndrome de Stockholm inversé. Le geôlier s’identifie à son prisonnier, s’attache à lui et tente de le défendre alors que le prisonnier fait tout ce qu’il peut pour se sortir de sa situation. Pourquoi cet homme a-t-il sauvé l’ethnologue français ? On s’interroge, on cherche des indices : est-ce parce qu’il est étranger ? Est-ce parce que Douch croit en son innocence ? Est-ce parce qu’il est le seul avec qui Douch peut échanger des citations sur son idéologie ? La réponse reste élusive, sûrement parce que le narrateur lui-même ne la connait pas.
Le rythme lent du film, contemplatif parvient à nous capturer et à nous plonger dans l’histoire de ces deux hommes. On découvre avec incrédulité la vie Cambodgienne de l’époque et l’évolution sans heurt (c’est du moins notre impression) des Khmers Rouge. Les paysages, ainsi que les décors sont beaux et réalistes. Le choix de filmer au Cambodge en pleine nature avec des vrais paysans et des vrais moines n’y est pas étranger.
Kompheak Phoeung est la véritable révélation de ce film. Dans la peau de Douch il brille, il fascine, il effraie autant qu’il charme. Sa connaissance de l’homme – il a été le traducteur français lors du procès de Douch – l’a peut-être aidé à en tirer un portrait aussi juste. On a envie de trouver des excuses à sa conduite et on se jette sur chaque parcelle d’humanité qui transpire de ce personnage. Comme il le dit lui-même « c’est la procédure », il n’a pas le choix. Lorsqu’il rencontre ses supérieurs, il perd de sa superbe et on le voit bloqué dans cette hiérarchie. On tombe plus facilement dans le piège du syndrome de Stockholm que François Bizot.
Raphaël Personnaz ne livre pas une performance inoubliable. Sa transformation physique est impressionnante – il a perdu 10 kilo pour le rôle – mais son interprétation est trop lisse. On ne retiendra pas non plus ses assistants ou sa femme auxquels on ne s’attache pas un instant.
Le film aurait pu gagner en émotions mais la retenue dont fait preuve Régis Wargnier fonctionne. La violence est hors champs, factuelle, protocolaire, très loin de l’image chaotique que l’on pourrait avoir d’une révolution. L’ordre qui règne parmi les Khmers Rouge transparait à l’écran et dans la narration du film. Tout est linéaire et administratif, sur le fond comme sur la forme. L’absence de musique renforce cette sensation. Pas d’envolée lyrique pour cette histoire, ce sont les prémices d’un génocide pas une fresque romanesque (...)
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