Isao Takahata nous livre une terrible peinture du Japon en guerre puis défait, se montrant ainsi l’égal d’un Kurosawa ou d’un Naruse, à travers une imagerie épurée mais bien loin d’être naïve. C’est toute la poésie japonaise qui est convoquée ici, depuis la forme classique jusqu’aux haïkus, dans un festival de mouvements et de couleurs à la grâce frôlant la perfection, comme dans ces œuvres miniatures des grands maîtres japonais. Dans une humanité livrée à la folie qui inaugure une ère de destruction sans précédent à la mesure de sa technologie créatrice d’armes impitoyables, Takahata met en scène un récit souvent teinté de cet humour particulier à la japonaise, fait de tendresse et de dureté mélangés. Un jeune adolescent va devenir adulte dans cette épreuve implacable, orphelin qui doit subvenir à ses besoins et à ceux de sa jeune sœur dans ce monde impitoyable. Les assauts des avions et les paniques qu’ils déclenchent sont prétextes à des images superbes avec le garçon courant à chaque fois en sens inverse et en profitant pour aller glaner dans les maisons de quoi survivre. Tout au long de leurs trajets quotidiens, les enfants baignent dans cette nature indissociable de la culture japonaise au même titre que le rythme des saisons. Quand la nuit tombe, ils sont invariablement accompagnés de lucioles, porteuses de lumière et d’espérance, véritables métaphores de ces humains, légers et éphémères. La fin, dont je ne livre bien sûr pas la teneur, est d’une émouvante et sauvage beauté qui prend aux tripes sans jamais faire vibrer la corde du trémolo facile. C’est une œuvre estimable qui a sa place dans l’histoire du cinéma de par sa conception rigoureuse et sa valeur de témoignage.
Maqroll
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films sur la Seconde Guerre mondiale

Créée

le 25 août 2014

Critique lue 308 fois

7 j'aime

Maqroll

Écrit par

Critique lue 308 fois

7

D'autres avis sur Le Tombeau des lucioles

Le Tombeau des lucioles
Silence
10

Les vestiges de l'absurde [9.7]

Il est parfois bon de filmer le comportement individuel de fourmis avant de filmer l'interieur de la fourmillière, puisque le tout ne signifie que la somme des particules... Isao l'a bien compris et...

le 31 mai 2013

138 j'aime

8

Le Tombeau des lucioles
Grard-Rocher
10

- "Le Tombeau des lucioles" dans mon "TOP 10" -

Durant l'été 1945, Seita, un adolescent de quatorze ans et sa petite sœur de quatre ans, Setsuko, bien qu'heureux auprès de leurs parents, vivent une enfance tourmentée dans un Japon secoué par la...

134 j'aime

56

Le Tombeau des lucioles
Hypérion
9

L'Enfance. Ravagée.

Je pouvais difficilement revoir Mon Voisin Totoro sans enchaîner sur son contemporain Le Tombeau des lucioles, piliers du succès du studio Ghibli. Comme pour Mon voisin Totoro, je pourrais me...

le 9 déc. 2011

124 j'aime

9

Du même critique

Little Odessa
Maqroll
9

Critique de Little Odessa par Maqroll

Premier film de James Gray, l'un des génies incontestables du cinéma actuel, où déjà l'essentiel est en place. Un scénario, d'une solidité qui force l'admiration, rapporte une histoire tragique...

le 30 sept. 2010

20 j'aime

1

Babel
Maqroll
5

Critique de Babel par Maqroll

Une quadruple histoire dont on démêle peu à peu les intrications, qui constituent une espèce de fresque sur les difficultés des êtres humains à parler entre eux. Malheureusement, ce film rempli de...

le 17 juil. 2013

18 j'aime

2

L'Émigrant
Maqroll
10

Critique de L'Émigrant par Maqroll

Attention, chef d’œuvre absolu. Chaplin s’attaque ici au mythe des mythes, l’arrivée des immigrants aux États-Unis (via Ellis Island) et la voie ouverte à tous les rêves… La traversée de l’Atlantique...

le 10 juil. 2013

16 j'aime

3