Life is life, ou le super-héros ordinaire

Tout commence par cet enfant qui regarde par la fenêtre de la voiture. Dès le début, on a en effet la vision d'un monde vu par le prisme du regard d'un enfant. Son père l'a déçu, parce qu'il n'est pas venu le chercher à temps à l'école. Désenchantement ultime du père qui, pour tenter de réparer sa faute, va lui lire plus tard l'histoire de Robin des Bois, l'homme qui volait les riches pour donner aux pauvres. Le père, c'est Tito, et en lui lisant cette histoire, c'est son fils qu'il veut réenchanter, qui lui reprochait de ne pas être Robin des Bois. Par chance, l'aventure se présente à Tito quand son voisin lui propose de l'aider à déterrer un trésor. A noter cependant que le trésor semble d'abord bien hypothétique. C'est une histoire qui se raconte depuis quatre générations, soit avant la Seconde Guerre Mondiale, que c'est le grand-père qui aurait donné comme indice ultime de faire attention à la maison familiale, que le voisin en question n'a pas non plus l'air très sûr de ce qu'il dit, se raccrochant donc à cet espoir, cette légende d'une fortune promise. S'il y croit, ce n'est pas à cause de son âme d'enfant comme Tito, mais plutôt à cause du manque d'argent. Le voisin est en effet descendant d'une famille anciennement noble, et se trouve maintenant en faillite. C'est pour cela qu'il va demander à Tito, simple employé de bureau, d'investir avec lui dans la location d'un détecteur de métaux, afin de sonder le terrain familial.


Ainsi, ce sont donc trois bonhommes qui se retrouvent sur ledit terrain, Tito, le voisin et l'ouvrier qui va devoir passer le détecteur. On voit vite ce qui se passe : trois couches sociales sont représentées, et on peut dès lors observer leurs interactions. Rapidement, l'un est maltraité, l'autre ne dit rien et le troisième ne fait rien et donne des ordres. Cela se fait lentement, au fur et à mesure des situations loufoques. Le comique de la situation ne change pas la volonté du film de dresser le portrait de la Roumanie actuelle, dont la situation économique est à déplorer. Ce à quoi on assiste en réalité, c'est à la recherche d'un espoir qui serait enfoui, peut-être, et qui aurait été enterré avant l'arrivée des communistes. Le film serait ainsi une métaphore de la société roumaine d'aujourd'hui.


Et puis non. Tout est troublé lorsque les motivations profondes de Tito sont révélées. Alors que l'on aurait pu croire que l'argent était le seul motif de la recherche, on comprend que Tito ne cherche qu'à vivre une histoire, pas vraiment héroïque en vérité –il ne s'agit que de chercher une caisse dans un jardin– mais qui en a au moins l'apparence et les mêmes codes. Il y a un élément déclencheur inattendu, c'est le personnage qui restera secondaire du voisin qui propose l'aventure. Puis il y a la préparation de la quête, avec une structure que l'on pourrait retrouver dans les plus gros blockbusters hollywoodiens : le héros veut quelque chose pour lancer sa quête, mais doit faire face à un premier refus, avant qu'un soutien inespéré lui permette de poursuivre malgré tout. S'ensuit une chaîne de péripéties, ici plus drôles qu'impressionnantes (lorsque l'ouvrier change de détecteur et que l'appareil sonne à chaque pas), qui aboutissent finalement à la rencontre avec l'ennemi tant redouté depuis le début du film : la police. A partir de là, tout le dénouement prend son temps pour dévoiler la récompense du héros, mais surtout pour retourner la situation à son avantage. Au final, l'histoire n'était qu'un prétexte pour Tito, l'occasion de redonner le sourire à son fils. C'est d'une certaine manière un message d'espoir à la fois pour le pays et pour le cinéma, puisque c'est ainsi les histoires et non l'argent qui est salutaire pour se sortir d'une situation économique dure. Or, s'il y a bien une chose que le cinéma sait faire, c'est raconter des histoires. La musique, jusque là absente, retentit sur le dernier plan, un panoramique ascendant vers le soleil. Life is Life du groupe Leinbach ne fait que conclure parfaitement ce trésor.


Critique publiée sur Cinéséries-mag.fr

DrClaymore
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le 9 juin 2016

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