Holly Martins (Joseph Cotten), écrivain américain de "romans de gare", tout juste débarqué à Vienne alors que la capitale autrichienne porte encore les stigmates de la Seconde Guerre Mondiale, va peu à peu découvrir, en enquêtant sur la mort de son ami de collège Harry Lime, qu'il connaissait très mal celui qui l'avait invité à venir le rejoindre et qu'on enterre, par une coïncidence étrange et inopportune, précisément le jour de son arrivée.
Le film de Carol Reed, sur un scénario extrêmement dense et habile de Graham Geene, résiste au temps. Je l'ai vu récemment en version "restaurée numérique haute définition 4K" et je l'ai apprécié encore plus qu'avant. Je l'ai mieux compris. Il faut dire que l'argument du film tourne autour d'un trafic de pénicilline frelatée et, étant plus jeune, cet aspect-là du film me passait au dessus de la tête, ne me parlait pas. J'avais aussi raté certains ressorts psychologiques de l'action qui me sont cette fois mieux apparus (le fait que Holly tombe amoureux, même s'il ne se déclare pas, d'Anna / Alida Valli, la maîtresse de son copain disparu) et qui ont fait que j'ai mieux apprécié la beauté désespérée du dénouement et de la toute dernière scène : les deux (du triangle amoureux) qui ont survécu ne peuvent plus se rejoindre, car l'une reste, par-delà la mort, fidèle à son amour... que l'autre a trahi (par amour, mais pas de la même personne).
C'est filmé dans un noir et blanc superbement exploité et Carol Reed nous transporte sans peine, tant les décors et tout ce qu'il filme sont réalistes, dans cette Vienne dévastée de l'après-guerre, peuplée de personnages interlopes, étranges, voire à moitié fous (la propriétaire de l'appartement d'Anna) ou prompts à accuser l'autre de tout et n'importe quoi.
Et bien sûr on se demande qui est ce "troisième homme"... s'il existe vraiment. Car le concierge de l'immeuble où habitait Harry est catégorique là-dessus : il a vu trois hommes (dont seulement deux identifiés) transporter le corps expirant d'Harry renversé par une camionnette en sortant de chez lui. Sauf que le concierge est assassiné quelques heures plus tard, alors qu'il attendait Holly pour lui révéler tous les détails de sa version des faits.
Mais le spectateur n'a toujours pas vu Orson Welles après 30-40 minutes de film. Or il le sait au générique et il devine qu'il ne peut être qu'Harry. Donc il flaire quelque chose... au contraire d'Holly et d'Anna (l'amoureuse d'Harry) qui, eux, pédalent toujours dans la semoule.
Vient alors la sublime scène du chaton. Ce chaton vit chez Anna, est très sauvage et Anna dit à Holly qu'il n'aime qu'une personne : Harry. Et on voit le chaton se faufiler dans la nuit sur le trottoir luisant de pluie et vaguement éclairé par un réverbère ; il pénètre dans un renfoncement obscur, se blottit contre deux chaussures puis joue avec leurs lacets. Tout ça, sur la fameuse et lancinante musique d'Anton Karas. On ne voit rien de plus, mais le chaton nous a tout dit : on SAIT qu'on est enfin en présence d'Harry Lime (très bien personnifié à l'écran par Orson Welles), donc qu'il n'est pas mort.
Ensuite... il y a toute une série de scènes mythiques que je vous laisse le plaisir de découvrir.
Tout le film et son célèbre final sont dignes d'un Hitchcock au mieux de sa forme.
Je l'ai vu quatre fois étalées dans le temps, et à chaque fois, je l'ai plus aimé que la précédente, c'est dire sa richesse.

Créée

le 7 août 2015

Critique lue 458 fois

7 j'aime

7 commentaires

Fleming

Écrit par

Critique lue 458 fois

7
7

D'autres avis sur Le Troisième homme

Le Troisième homme
SanFelice
9

La cithare et le coucou

Un écrivain raté, Holly Martins, débarque à Vienne pour retrouver son ami Harry Lime. mais en arrivant, il apprend que celui-ci a été tué dans un accident de la circulation. Et dans une ville qui...

le 6 juin 2015

51 j'aime

6

Le Troisième homme
JasonMoraw
9

Le fantôme de Vienne

Disons-le sans se retenir. Ne calmons pas nos ardeurs et laissons-les s’exprimer. The Third Man, Palme d’or 1951, n’est ni plus ni moins qu’un chef-d’œuvre doté d’un scénario solide. Sa flatteuse...

le 30 déc. 2021

41 j'aime

6

Le Troisième homme
drélium
8

Choc au las viennois

(Légers spoils peut-être...) Pour une fois que j'ai apprécié un classique du film noir beaucoup plus que Kalian, cela ne me semble même pas illogique. On disait que Samuel Fuller n'essayait pas de...

le 3 janv. 2013

39 j'aime

11

Du même critique

Le Sommet des dieux
Fleming
7

Avec la neige pour tout linceul

J'ignore à peu près tout des mangas. Je n'aime généralement pas les films d'animation, les dessins retirant, selon mon ressenti, de la vérité au déroulement filmé de l'histoire qu'on regarde. Et je...

le 24 sept. 2021

36 j'aime

19

Amants
Fleming
5

On demande un scénariste

J'ai vu plusieurs films réalisés par Nicole Garcia. Le seul qui me reste vraiment en mémoire est Place Vendôme que j'avais aimé. Elle, je l'apprécie assez comme actrice, encore que je ne me souvienne...

le 17 nov. 2021

33 j'aime

16

BAC Nord
Fleming
6

Pour les deux premiers tiers

Les deux premiers tiers du film sont bons, voire très bons, en tout cas de mon point de vue. J'ai trouvé ça intéressant à regarder et à suivre. Et même passionnant. Est-ce outrancier ? Je ne connais...

le 16 août 2021

31 j'aime

19