Un scénario bien ficelé, une musique entêtante, une ville-carrefour servant magnifiquement de décor vivant à un moment-clé de l’Histoire et surtout une mise en scène géniale : voilà en résumé les raisons du succès du troisième homme.
En fait, c’est principalement sur des aspects techniques que repose l’intérêt du film. Grâce à ses plans cassés où les lignes s’allongent et créent une esthétique aussi bizarre que confuse, à ses prises nocturnes des ruelles sombres au pavé reluisant (volontairement arrosé pour donner cet effet), à son excellent travail photographique sur le clair-obscur et enfin grâce à cette haletante et oppressante course-poursuite finale dans les égouts de la ville, Carol Reed se démarque du lot commun des films noirs.
Pour le reste, bien que l’écriture ne flanche jamais et que le suspens demeure intact, cela demeure assez superficiel – ce que d’ailleurs n’a jamais nié le scénariste et romancier G. Greene dont le but n’a toujours été que de réaliser « un divertissement relativement léger » (selon Catherine Horel) propre au genre « which in England we call a thriller ». Car, en tant qu’ancien espion vraisemblablement appelé « le troisième homme », on attendait de sa part une intrigue plus profonde et retorse parmi les rouages de l’investigation, une lecture plus politique dans cette Vienne carrefour des nations où se nouent des enjeux diplomatiques et géo-politiques cruciaux. Or, rien de tout cela : au contraire, une Vienne de carte postale, avec sa cithare sympathique de terrasse de café, son café Mozart, sa grande roue, son hôtel Sacher.
Un beau film donc, à l’esthétique moderne, mais au demeurant superficiel, sans ambiance particulière ni plongée authentique dans un milieu, à l’inverse de Night and the City, autre film noir et urbain, beaucoup plus captivant.