Le Voleur est le neuvième long-métrage réalisé par Louis Malle, sorti en salles en 1967. Le film est librement inspiré du roman éponyme écrit par Georges Darien en 1897 et réédité en 1955. Darien était un romancier très engagé contre le parlementarisme, le cléricalisme, le militarisme et le colonialisme. Malgré de nombreux liens entre les deux œuvres, Louis Malle se démarque du roman sur certains points, notamment la fin, et il en offre une lecture personnelle. Par rapport au livre, il taille dans l'histoire, il raccourcit le récit, et il réunit plusieurs personnages en un dans un souci de resserrement et ce, avec un sens extrême de l'efficacité.
Louis Malle aborde ici des thèmes qu'il connaît bien à savoir la grande bourgeoisie, dont il est lui-même issu. Le personnage de Georges Randal possède une attitude révolutionnaire et le metteur en scène a pour ce cambrioleur par vengeance une sympathie évidente. Randal pratique le vol comme un art, c'est une façon pour lui de régler ses comptes avec la bourgeoisie. Louis Malle rentre en rébellion contre le respect de l'ordre établis, et contre les contraintes de la société de la fin du XIXème siècle. Mais son but n'est pas seulement d'évoquer la France anarchiste des années 1890, son film fait écho au monde d'aujourd'hui, bâti sur les rapports d'argent. Le vol devient ici une alternative pour contrer les injustices de la société.
Cette période particulière de l'histoire française est recréée avec soin, rien n'a été laissé au hasard dans le choix du mobilier, des lieux et des costumes. Les décors conçus par Jacques Saulnier, avec qui Louis Malle avait déjà collaboré sur Les Amants en 1958, ajoutés aux costumes créés par le peintre Ghislain Uhry proposent aux spectateurs un univers très pictural aux couleurs particulières. La réalisation de Louis Malle est quant à elle discrète, classique et d'une élégante sobriété, elle transmet sans la moindre émotion les agissements de Randal.
Le Voleur est entièrement centré sur les actions de Georges Randal et il en adopte le point de vue. Certaines scènes sont commentées par la voix-off de Randal, ce qui renforce le sentiment de promiscuité entre lui et le spectateur. La performance de Jean-Paul Belmondo est admirable, on est ici très loin de ses rôles précédents. Randal n'a pas la discrétion d'un Arsène Lupin, il éventre les bureaux, fracasse les vitrines, force les coffres à coup de pied de biche. A aucun moment il ne cherche à effacer les traces de son méfait, bien au contraire. Louis Malle déclare à propos de son personnage : « sa contestation de l'ordre établi n'est qu'une contestation individuelle. Par rapport à mes autres films, c'est cela qui est mis en cause, l'inutilité d'une contestation qui ne débouche sur rien. C'est une contestation de la contestation individuelle, si vous voulez. »