Faire confiance aux honnêtes gens est le seul vrai risque des professions aventureuses

Gilles Grangier, Michel Audiard et Albert Simonin ont transformé le roman très noir de ce dernier, "le cave se rebiffe" , en quelque chose de beaucoup plus léger et plus humoristique c'est-à-dire une comédie.
Mais c'est plutôt réussi et je dirai d'ailleurs que c'est un des films de Gilles Grangier que je préfère.


Le film fonctionne très bien sur un sujet très sérieux qui est la fabrication de fausse mornifle à partir d'une bande de truands qui, a priori, ne rigolent pas. On ne trouvera pas l'humour dans l'histoire elle-même donc ni dans l'action qui n'est pas spécialement drôle.
L'humour se situe dans le décalage permanent entre des gens sérieux qui se prennent au sérieux et ce que comprend et voit le spectateur à qui Grangier donne toutes les clés de l'affaire. L'humour se situe, bien entendu, aussi dans les dialogues fignolés par Audiard entre l'argot de truand et les aphorismes et sentences balancées par les acteurs.
Par exemple, le commissaire venu attendre le Dabe (Gabin) à sa descente d'avion, qui raconte à son adjoint, les nombreuses mésaventures qui lui ont coûté son avancement dans sa carrière dues au génie malfaisant du Dabe : "Que veux-tu, le poulet ça l'inspire".


Contrairement au roman où les protagonistes ont des rôles beaucoup plus équilibrés, le film est construit autour du personnage du Dabe, joué par Gabin qui, en expert de la fabrication de fausse monnaie, a le rôle central puisqu'il est le seul à savoir faire; les autres personnages sont pieds et poings liés à cet expert et se démènent pour le servir, non sans renâcler. Et ces autres personnages sont tous excellents, chacun dans son registre.


Bernard Blier en ancien patron de bobinard dont il ne s'est toujours pas remis de la loi de Marthe Richard. C'est lui qui est allé chercher le Dabe : il ne peut donc pas se déjuger auprès de ses acolytes et le dabe en profite pour lui faire avaler toutes sortes de couleuvres.


Antoine Balpétré en banquier, enfin en usurier plutôt, sent bien qu'il y a un loup sous tout ce micmac mais en homme poli et bien élevé s'écrase et suit le mouvement.


Maurice Biraud, c'est le cave qui est manipulé par sa femme puis par le Dabe. C'est lui qui donne le titre au film mais il faut savoir que c'est plutôt dans le roman qu'il se rebiffe face aux truands. Ici, il ne fait que manger dans la main du Dabe. Le Dabe, pas à une flatterie près pour l'avoir à sa pogne lui dira : "Le bon Dieu t'a donné une main exceptionnelle. Il aurait pu te créer honnête, il t'a même épargné ça !"


Martine Carol joue le rôle de la femme du cave. Excellente dans son rôle de femme limite vulgaire tendance salope et pas trop fûtée qui s'émerveille devant les chambres du lupanar sans comprendre de quoi il s'agit ou encore de la bagnole américaine de son amant. Pas vraiment le rôle de la femme d'intérieur que le cave serait en droit d'attendre...


Franck Villard dans le rôle du vendeur de voitures d'occasion dont il a d'ailleurs le look et le bagou. Il est l'amant de la femme du cave et c'est lui dont la connerie est telle qu'elle pourrait "servir de mètre étalon". C'est lui aussi qui est tout de suite reconnu par le personnage joué par Madeleine Rosay car "on m'avait fait un portrait parlé ; je ne pouvais pas me tromper"


Et puis Ginette Leclerc (l'épouse de Blier, l'ancienne patronne du bordel qui a du mal à réfréner les ardeurs masculines de son mari), Françoise Rosay (en vieille truande qui lâche sa petite larme sur les truands disparus) , Robert Dalban et Jacques Marin en flics des mœurs...


"Le cave se rebiffe" est un très bon cru de Gilles Grangier, de ces crus qui vieillissent très bien et qu'on prend plaisir à distiller délicatement en bouche ...
Soyons fous, je mets ce film au même niveau que les "tontons flingueurs" soit 9.

JeanG55
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Adaptations au cinéma de livres que j'ai lus et Films de Gilles Grangier

Créée

le 5 nov. 2021

Critique lue 361 fois

15 j'aime

9 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 361 fois

15
9

D'autres avis sur Le cave se rebiffe

Le cave se rebiffe
Hunky-Dory
7

Qui c'est le taulier ?

Grangier, Audiard, Gabin, Blier. Quatre noms qui font de ce film une étape obligée des films de gangsters français des années 60. Pas question de casse ici ; le film suit la préparation d'impression...

le 5 oct. 2011

16 j'aime

1

Le cave se rebiffe
JeanG55
9

Faire confiance aux honnêtes gens est le seul vrai risque des professions aventureuses

Gilles Grangier, Michel Audiard et Albert Simonin ont transformé le roman très noir de ce dernier, "le cave se rebiffe" , en quelque chose de beaucoup plus léger et plus humoristique c'est-à-dire...

le 5 nov. 2021

15 j'aime

9

Le cave se rebiffe
Ugly
7

"Si la connerie se mesurait, elle servirait de mètre étalon"

Ce titre de critique symbolise l'ensemble et donne un aperçu de ce qu'on peut entendre dans ce film dont les répliques sont devenues cultes. Adapté d'un roman d'Albert Simonin, auteur de la Série...

Par

le 27 sept. 2017

15 j'aime

7

Du même critique

La Mort aux trousses
JeanG55
9

La mort aux trousses

"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...

le 3 nov. 2021

22 j'aime

19

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

21 j'aime

8

125, rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

21 j'aime

5