--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au premier épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


La vie a repris son cours. Après cette fin d'année agitée, les choses sont peu à peu rentrées dans l'ordre. L'ordre qu'elles auraient toujours du avoir. Lycaon n'est pas resté très longtemps à Paris avec moi. Puisque nous allons bientôt parler de vampires -encore-, alors je me précipite sur cette première comparaison, qui me comble de joie : Comme les Adam et Eve aux dents pointues de Jim Jarmush, nous sommes condamnés à nous aimer éternellement, et fatalement, à passer notre vie à nous éloigner pour mieux nous rejoindre. Lycaon n'est pas loin tout de même. Il travaille. Et comme le vieux mythe d'Halloween, la fin d'année est revenue, avec son froid, ses nuits toujours plus longues, et ses menaces.
Mes jeunes loup l'ont senti presque avant moi. Le nouveau danger. Il est si absurde qu'il me plonge dans une colère déraisonnablement grande. Mais je ne vais pas me laisser faire. Nous n'allons pas nous laisser faire ! Si les vampires veulent la guerre, ils l'auront. Et ils perdront. Mais si je veux que mes loups l'emportent, je dois les préparer. Ces imbéciles sont partout, je parierai que c'est eux qui ont poussé à la Cinémathèque pour avoir leur cycle dédié. Pour se faire mousser. Et bien nous allons leur faire de l’affluence. Pour bien combattre son ennemi, la première chose est de bien le connaître. J’emmènerai mes loups là-bas, nous verrons tout ce que le cinéma peut nous dire des vampires, et en bonne cheffe de meute, je corrigerai, j'enseignerai, j'informerai, je formerai. Et nous les massacrerons.
Mais l'heure n'est à ce jour ni au meurtre ni même aux séances de cinéma. La rétrospective n'ouvrira que dans quelques jours, mais rien n’empêche de prendre de l'avance en séances privées. Et en bonne enseignante, j'avais préparé à mes jeunes loups un programme qui me permettrait de continuer à apprendre en même temps qu'eux : pas de place donc pour les films du premier mois vampire. C'est avec grand enthousiasme que je les ai conviés chez moi, à s'affaler dans le canapé en buvant de la tisane, pour regarder *Le Club des Monstres*. Je voulais commencer à les initier en douceur et en légèreté, un film simple, distrayant, et parlant autant d'eux-même que des vampires. Bon. Pour ce dernier point c'est raté, mais pour le reste, le film a largement dépassé mes espérances.
Moi qui m'attendais à un navet des années 80, appuyé sur une culture de plus ou moins bon goût, de la musique pop, quelques hectolitre de sang-ketchup et pourquoi pas la fameuse chauve-souris en plastique, me suis retrouvée face à quelque chose qui touchait par moment au génie. Bien entendu je n'avais pas pioché ce film au hasard, mon cœur d'humaine hystérique avait fait des bonds à la vision de cette affiche rassemblant les noms de Vincent Price et John Carradine. Et c'est pour eux que je me suis empressée de coller ce film dès le premier jour d'Octobre. Grand bien m'en a pris. Tout deux sont formidables, comme à leur habitude, l'un en vampire charmeur -classique mais indémodable-, l'autre, que j'ai eu peine à reconnaître vu son age avancé (Diable ! Nous sommes déjà en 1981 ! Je vais mettre quelques jours à m’acclimater à la disparition de la chronologie dans les mois-monstre) en auteur à succès, qui débute le film à contempler son propre portrait devant la boutique d'un libraire.
Et c'est là qu'on touche au génie. Le film est adapté d'un livre donc. On retrouve un auteur de romans fantastico-horrifiques, et, vu son discours à demi-mot, en panne d'inspiration. Comme lui, le film stagne. On contemple cet homme qui se contemple lui-même. Nous à travers l'écran, lui à travers la vitrine du libraire. Et puis l'inspiration bondit, la fiction s'invite dans le réel, ou plutôt la fiction transperce la fiction, nous voilà partis... Comme l'imagination galopante de John Carradine (dont le charme survit aux années). C'est brillant. Et puis, coup de grâce, un producteur-vampire (« mais ne le sont-ils pas tous ? » Demande Vincent Price. S'il n'était de l'autre coté de l'écran je l'embrasserai), vient nous raconter son enfance en image. Mise en abyme, film dans le film, réalité dans la fiction, à moins que ce ne soit l'inverse. Classique et déjà-vu diriez-vous ? Non, mes jeunes loups, le procédé est peut-être un peu remâché, mais sa mise en forme est d'une élégance subtile comme on en voit rarement. L'instant d'après, ce n'est qu'une fois que le réalisateur a dit coupé que la réelle histoire peut débuter. Ce réalisateur parabole-t-il John Carradine, l'auteur en manque d'inspiration ? Ou Vincent Price, qui raconte des histoires à John Carradine pour le retenir dans son club (oui, comme Shéhérazade, mais Vincent Price est, lui, bien plus charismatique) ? Ou bien le réalisateur du film que nous sommes en train de regarder en sirotant notre tisane ? Ou bien encore l'auteur qui écrit l'histoire de cet auteur, qui va se faire raconter des histoires par son propre personnage, qui est adapté à l'écran ? La Vache Qui Rit entre dans la quatrième dimension.
Les trois micro-histoires qui nous sont contées sont assez inégales : la première fait le travail, avec des acteurs assez brillants et très bien castés (les yeux vairons de cette fille sont presque aussi incroyables que les sourcils de cet homme !), mais l'invention d'un monstre totalement capillotracté (non mes jeunes loups, vous pourrez forniquer tant que vous voudrez avec des vampires, des goules ou ce qu'il vous plaira, vous ne donnerez jamais naissance à un homme a mono-sourcil qui fait exploser les chats quand il siffle). Sa fin en demi-teinte par contre, à l'image de la fin de la troisième histoire est assez plaisante... Et glaçante. Ce film est parfait pour attendre Halloween, et ça tombe bien, c'est aussi ce que nous faisons (il faut bien joindre l’utile à l'agréable). Bon certes, les masques de monstres de chez Gifi font concurrence à ma chauve-souris en plastique de chez La Foire-fouille du premier mois-vampire, et les frissons d'angoisse se calment d'autant plus face à la fin de la deuxième histoire, qui fini comme un épisode de sitcom. Peu importe, je veux bien pardonner sa fin à cette histoire, car pour tout le reste, c'est un sans faute. Certes, c'est une histoire de vampire archi-classique, mais pour une initiation, mes jeunes loups, elle est parfaite. Surtout, admirez la finesse de sa mise en image, et en son : lumière parfaite, maniérée sans être racoleuse ; une narration à rebond, mais symétrique (voyez cette fausse fin comme elle résonne avec le faux départ) ; un cadre qui flotte comme un fantôme ; et surtout cette musique qui s’appuie sur la parole pour devenir inquiétante : il suffit que le papa nous sermonne d'un « méfie toi des hommes avec un étui à violon », pour que cette enchanteresse musique à cordes frottées se mette à résonner différemment à nos oreilles. Et que celle-ci reparte de plus belle lorsque les étuis à violon découvrent leur vrai contenu, et voilà notre sang glacé. C'est parfait. D'ailleurs la musique, parlons en ! Certes, je découvre en parcourant le générique de début qu'ils n'ont pas mis des manches à ce poste : John Williams et UB40 ?! Le cocktail est alléchant. Et réussi ! En plus de ces sublimes musiques extra-diégétiques (oui, je fais des études de cinéma) qui parcourent les trois histoires dans l'histoire, les chansons endiablées et définitivement pop de UB40 qui ponctuent le film, elles diégétiquement, le font sur les passages ou l'on redescend d'un étage dans la mise en abyme. Comme si le réel, ou ce qui prétend l'être, ne pouvait pas s'autoriser la fantaisie d'une musique sortie de nul part, il se trouve une raison, crédible qui plus est, pour chanter en direct. Et ni les coups de zooms délicieusement tapageurs, ni le strip-tease-plus-plus qui se termine en animation sur ombre chinoise n'enlèvent au plaisir.
Dans l'ensemble, mes loups ont partagé mon enthousiasme. Les plus cinéphiles d'entre eux m'ont soufflé quelques unes des pistes que j'évoque au-dessus lors de discussions qui se sont prolongées tard dans la nuit, les moins assidus ont tout de même apprécié le rythme soutenu, les revirements de situation, la musique pop et le sublime discours de fin de Vincent Price. Mais sous ce vernis, la crise grondait. Les plus ronchons de mes disciples ont explosé de colère directement pendant le film : « C'est quoi ce loup-garou immonde ? C'est vraiment comme ça qu'Hollywood nous imaginent ?! Et pourquoi c'est le vampire la star ? ». Les stars, car non contente de nous mettre l'un des deux protagonistes du fil rouge à l'effigie d'un Dracula anonyme, l'histoire centrale parle uniquement de vampire. Quand le loup-garou en est cantonné à être le Monsieur Loyal du décor, puis le tonton gênant au mariage, je peux comprendre que mes loups non-initiés se soient pris un coup à l’ego. Mais je tempère, je modère, je discute. En bon Alpha, je dois savoir doser entre les moments ou l'on attaque, et les moments ou l'on comprend. J'ai resservi de la tisane à tout le monde et je les ai fait tirer des enseignements : au cinéma, le vampire a toujours été la star. Il peut être le gentil de l'histoire. Il est beau et séduisant. Et quand il a eu besoin d'un méchant à combattre, on lui a flanqué le loup-garou comme antagoniste. Au cinéma, et à par dans quelques merveilleuses exceptions (Neil Jordan, je t'aime), le loup-garou est une bête sanguinaire, stupide et disgracieuse. Ce n'est pas la réalité, c'est du cinéma. Et c'est au cinéma que les vampires ont appris à détester les lycanthropes. Nous n'avions jamais été en guerre avant *Underworld*. Alors voila. Le cinéma nous a mené à cette guerre injuste, mais c’est grâce à lui que nous la gagnerons.
Après ce beau discours pour galvaniser mes troupes, nous avons mis fin à ce qui était devenu notre premier conseil de guerre. Il y en aura d’autres. Mais je ne m’attendais pas à des réactions aussi vives. Pour cette fois j’ai assuré le coup, mais la prochaine fois, je devrais mieux me préparer. Le mois va être long.
Zalya
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le 11 oct. 2019

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Zalya

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